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            Ô Père, après 
            les jours...
            
            
            Ô Père, après les jours de la grande colère,
            les jours déjà levés dans la chair et le sang
            et que vous fixerez dans leurs grappes amères
            pour des saisons dont nul ne peut sonder le temps,
            
            après les jours promis à la terrible mort
            dont vous connaissez seul quel sera le silence
            et où pour s’être ici exclus de votre corps
            tout sera consumé au feu de votre absence,
            
            où chaque être lié par son propre péché
            devra porter la mort de sa semence morte
            et se condamnera à être condamné
            pour que votre justice elle aussi soit parfaite,
            
            où tous les corps seront comme un corps de néant,
            un corps obscur, un corps sans signes et sans nom,
            un corps extérieur et pareil au non-sens
            et dont même le sang restera infécond,
            
            un corps dont les moissons cesseront de germer
            et qui vous connaîtra sans pouvoir vous connaître
            comme un atroce amour qui ne peut plus aimer
            et ne peut pas se taire et ne peut plus renaître,
            
            après et au-delà de ces jours de malheur
            dont l’abîme et les temps sont vraiment infinis,
            sont vraiment éternels par leur poids de douleur
            et par la profondeur où descendra leur nuit,
            
            après eux, malgré eux, et gardé pour eux-mêmes
            quand ils auront vraiment consommé toutes peines
            et connu jusqu’au fond la souffrance suprême
            d’être assoiffé de vous et hors de vos fontaines,
            
            ô Père, quel amour plus fort dans votre amour
            que la justice même et que l’éternité
            et plus lourd dans l’amour que les corps les plus lourds
            et plus profond encor que l’amour révélé,
            
            quelle grâce en vous seul aux sources de la grâce
            et cachée dans la gloire à la gloire des jours
            garderez-vous Peut-être, ô Père, pour que passe
            cette mort elle-même envahie par l’amour,
            
            par un amour si plein de son propre désir
            que tout, sans s’y dissoudre, en serait possédé
            et que même la mort finirait de mourir
            pour être aussi par lui rendue à votre été,
            
            au don du Dieu qui est au-delà de chaque être
            l’inaccessible Dieu, et cependant en lui
            ce centre essentiel, cet arbre au coeur du centre
            qui donne toujours plus qu’il n’attend de ses fruits,
            
            cet amour absolu où en vous se répondent
            la seule Vérité, la seule Liberté
            qui fondent dans l’Esprit la liberté du monde
            et fondent chaque amour et chaque vérité,
            
            convient chaque homme à croître et à s’unir en 
            Elles
            pour qu’en étant promus et mûris tous ensemble
            et l’un par l’autre ouverts aux sources paternelles
            que nul ne connaît seul,  l’Eau de Dieu les rassemble,
            
            et que tout dans vos mains soit vraiment accompli
            comme la grappe et l’or, et la Création
            tout entière l’Épouse épousée dans l’Esprit
            tout entière l’Épouse appelée par son nom,
            
            le grand pays de Dieu, le Corps parfait du Christ
            où chaque être en cherchant et en sondant vos signes
            ayant su vous aimer, même d’un autre cri,
            recevra par amour le vin de votre vigne,
            
            et où l’ultime mort à jamais abolie
            pour qu’il ne reste rien qui ne vous soit offert
            vous rendra tous les corps dont elle était nourrie
            même si à jamais elle a marqué leur chair,
            
            afin qu’en reprenant l’unique nom vivant
            que vous aviez pour eux scellé dans votre paix
            il n’y ait plus partout qu’un amour et qu’un chant
            à louer la splendeur de votre éternité ?
              
              
              
            
          Jean-Claude RENARD,
            Père, voici que l'homme, Seuil.
          
          
 
           
           
           
           
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