Ô pauvre nation magyare...

 

 

Ô pauvre nation magyare, décimée,

Toi qui, l’épée au poing, conquis ta renommée,

C’est pitié de te voir ce visage fané !

Devant toi, nul chemin qui ne soit condamné !

 

On se rit de ton sang qu’on admirait naguère !

Ton sabre est à solder, qu’on mettait à l’enchère,

Peuple exsangue, réduit jusqu’à dégénérer !

Et si l’on dit ton nom, c’est pour s’en écœurer...

 

Ta jeunesse bien née, hier l’espoir du monde,

Gît, comme poulets morts, sur un fumier immonde.

L’étranger se repaît de sa graisse. Et pourtant,

N’a pour toi plus d’égards que les fils de Satan.

 

De partout va fondant ta forme bien-aimée.

Chaque jour un peu plus s’émiette ton armée.

La détresse en ton lit vient prendre son repos ;

Un repas misérable à présent est ton lot.

 

Nul n’a pitié de toi ! Pleure seule et te navre !

Qui pourrait te refaire et guider vers le havre,

S’il voit ta déchéance, il n’y prend part en rien,

Et, d’un cœur léger, sème à tous les vents ton bien.

 

Chichement l’on te paie ; on refuse tes offres

Et tu manques de tout : argent, bétail, étoffes.

Encor beau que barons ne détroussent les gens,

Puisque petits bandits sont pendus par les grands !

 

Ô Nation, ô bien-aimée, ô douce et tendre !

Toi dont je suis épris en mai comme en décembre !

Pleurons, crions vers Dieu ! Et que par ce poème

Tu puisses tout au moins savoir combien je t’aime.

 

 

 

 

János RIMAY.

 

Traduction de László Pődör.

Adaptation de Jean Rousselot.

 

Recueilli dans Pages choisies de la littérature hongroise,

des origines au milieu du XVIIIe siècle,

Corvina Kiadó, Budapest, 1981.