Je demande qu’on m’oublie

 

 

Je demande qu’on m’oublie, un grand bonheur en moi n’a pas fini sa chanson,

Un bonheur comme nul ici-bas n’en rêve et qu’on tremble de voir entre ses mains déposé,

Un bonheur pour lequel un cœur seul ne suffit plus et pour lequel le présent n’est pas assez long,

Un bonheur dont mes bras apprenaient à peine l’étreinte et qui cependant m’aura tout donné.

 

C’était un bonheur éclatant comme un cri de clairon et pourtant c’est à voix basse que nous en parlions.

C’était un homme périssable ; mais d’une plénitude de dons qui était une sorte de défi.

C’était un oubli à la loi d’exil sur terre que cette rencontre, c’était une double, parfaite communion ;

C’était un bonheur humain qui anticipait tout désir, justifiait toute attente et nous allait tellement ancrer dans la vie.

 

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Je demande qu’on m’oublie ; un grand bonheur en moi n’a pas fini sa chanson.

C’est un bonheur qui m’apprit et la découverte et l’arrachement et dont je reste l’âme à jamais enrichie ;

Il bat maintenant dans ma poitrine deux cœurs d’un même départ traversé : le mien et celui de mon fier compagnon,

Le mien fondu déjà à la joie de Dieu, le sien recevant l’essence même de l’Amour à sa source infinie.

 

Je demande qu’on m’oublie ; un grand bonheur commence à peine en moi sa chanson...

 

 

 

Simone ROUTIER-DROUIN.

 

Recueilli dans Feuilles d’érable, fleurs de lys,

anthologie de la poésie canadienne-française

établie et présentée par Pierre Cabiac,

Éditions de la diaspora française, 1966.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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