LE DÉPART DES HIRONDELLES

 

 

                                  ÉLÉGIE

 

 

 

Du printemps parfumé joyeuse avant-courrière,

L’hirondelle s’envole et fuit nos champs trop froids,

              Et, comme une grâce dernière,

Aux sifflements du vent unit sa douce voix.

 

Dieu des petits oiseaux, épargne-nous l’orage,

Dit-elle en gazouillant et s’approchant des cieux,

              Vers quelle hospitalière plage

Ton doigt va-t-il pousser nos bataillons frileux ?

 

Hélas ! avec effroi nous quittons cette terre,

Et ces lieux enchanteurs, et ces climats bénis,

              Et ces auvents pleins de mystère

Où nous avons, l’été, suspendu nos doux nids.

 

Un souffle caressant baisait la verte plaine,

La fleur comme une coupe était près des ruisseaux,

              À l’églantier pendait la laine,

Blanc et soyeux tribut payé par les agneaux.

 

Mais à ce doux zéphir succède la tempête,

Elle ébranle à grand bruit nos gîtes chancelants ;

              L’été riant cache sa tête

Sous le manteau brumeux que portent les autans.

 

Partons, il en est temps, mes sœurs les hirondelles,

Sur l’ouragan du Nord accourt le sombre hiver,

              Pour fuir, Dieu nous donne des ailes ;

Salut à vous, salut, flots d’azur de la mer !

 

Ainsi chante au départ l’aimable voyageuse ;

Mais bientôt son essor atteint des cieux plus beaux,

              Une terre plus généreuse,

Des toits plus bienveillants, de plus limpides eaux.

 

Oh ! lorsque le bonheur s’éteint comme une flamme,

Quand l’âge ou le chagrin chasse mon doux printemps,

              Pourquoi gémir toujours, mon âme ?

Apaise tes regrets, et dans l’espoir, attends.....

 

Si, traversant les mers, hirondelle et colombe

Après de longs dangers trouvent un nouveau ciel,

              Mon âme, en traversant la tombe,

Tu trouveras aussi le repos éternel.

 

 

 

Alexandre de SAINT-JUAN.

 

Paru dans les Annales franc-comtoises en 1864.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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