Quitte le monticule...

 

 

Quitte le monticule impossible au milieu

Et le manteau gardant le silence des os

Et la grappe du cœur enfin désespéré

Où pourra maintenant s’incruster cette croix

À la place du glaive acide du dépit

À l’endroit pratiqué par le couteau fixé

Dont le manche remue un mal encore aigu

Chaque fois que ta main se retourne vers toi

Où s’incruste la croix avec ses bras de fer

Comme le fer qu’on cloue à l’écorce d’un arbre

Qui blesse la surface, mais la cicatrice

De l’écorce bientôt le submerge et le couvre

Et plus tard le fil dur qui blessait la surface

On le voit assuré au bon centre du tronc

C’est ainsi que la croix sera faite en ton cœur

Et la tête et les bras et les pieds qui dépassent

Avec le Christ dessus et nos minces douleurs.

 

Quitte le monticule impossible au milieu

Place-toi désormais aux limites du lieu

Avec tout le pays derrière tes épaules

Et plus rien devant toi que ce pas à parfaire

Le pôle repéré par l’espoir praticable

Et le cœur aimanté par le fer de la croix.

 

Mon cœur cette pierre qui pèse en moi

Mon cœur pétrifié par ce stérile arrêt

Et regard retourné vers les feux de la ville

Et l’envie attardée aux cendres des regrets

Et les regrets perdus vers les pays possibles

 

Ramène ton manteau, pèlerin sans espoir

Ramène ton manteau contre tes os

Rabats tes bras épars de bonheurs désertés

 

Ramène le manteau de ta pauvreté contre tes os

Et la grappe séchée de ton cœur pour noyau

Laisse un autre à présent en attendrir la peau

 

Quitte le monticule impossible au milieu

D’un pays dérisoire et dont tu fis le lieu

De l’affût au secret à surprendre de nuit

Au secret d’un mirage où déserter l’ennui.

 

 

 

Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,

édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,

Presses de l’Université de Montréal, 1971.

 

 

 

 

 

 

 

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