Lilas

 

 

Lilas qui venez de chez moi,

Vous me montrez l’Amour dans vos pétales en croix.

 

Vous êtes le rameau d’un vieil arbre noueux,

Et vous avez fleuri pour la joie de mes yeux.

 

Vous avez essuyé les tempêtes, la grêle,

La pluie vous a courbés !... Vos brindilles sont frêles.

 

Le givre vous a mis dans un cercueil tout blanc,

L’hiver, vous paraissiez des coraux transparents.

 

Le froid vous a gercés, on vous aurait cru morts !

Votre sève est plus forte que les rigueurs du Sort.

 

Au sommet du coteau, sur la plaine endormie,

Vous attendiez l’aurore ainsi qu’une accalmie.

 

Vous ressemblez à ceux sur lesquels vous veillez,

Vous abritez la ferme où ils ont travaillé !

 

Des émigrants, pareils à vous, lilas de Perse,

Arrachés de leur sol, végètent de détresse.

 

Dans la terre inconnue vous avez porté souche,

À la femme étrangère, ils parlent par vos bouches !

 

Vous gardez le jardin où notre enfant jouera,

Lilas de notre amour, il nous perpétuera.

 

Que vos croix soient des fleurs peur cet être fragile

Et donnez-nous, à nous, les tâches difficiles.

 

Faites pleuvoir sur lui l’encens de vos pétales,

Effeuillez sur sa tête, le ciel et vos étoiles.

 

La rosée, votre sang est mouillée de nos pleurs,

Qu’elle vous rafraîchisse en créant son bonheur.

 

Lilas vous m’apportez le parfum de la vie,

Sur mon lit de malade où je pleure d’envie

 

De retourner là-bas, où l’arbre de la race,

Déraciné, battu, prie en demandant grâce.

 

Pour ceux qui le torturent, et non pour sa souffrance

Et fait neiger ses fleurs au vent qui le balance.

 

Lilas, ô cher Lilas ! qui venez de chez nous,

Le sourire du Christ m’est apparu en vous.

 

 

 

Anne SAMARINE, Grignon, avril 1934.

 

Recueilli dans Louise-Georges Dupau, Rédemption !,

poèmes d’Anne Samarine, Albert Messein Éditeur, Paris, 1935.

 

 

 

 

 

 

 

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