L’orage

 

 

                             Jacob pleura son fils plusieurs jours...

                                           (Genèse, ch. XXXVII, v. 34.)

 

 

L’atmosphère est brûlante ainsi qu’une fournaise ;

L’hirondelle en ses jeux de près rase le sol,

Et l’abeille oubliant les bourgeons du mélèze,

Prudente, vers la ruche a dirigé son vol.

 

Dans les blés onduleux se blottit l’alouette,

Le pâtre, au son du cor, assemble les troupeaux,

Et pour mieux respirer, la génisse inquiète,

La tête renversée, élargit ses naseaux.

 

Faneuses et faneurs, qui pressentent l’orage,

À l’envi dans les chars amoncellent je foin ;

Le ciel ne forme plus qu’un immense nuage,

Noir comme un drap des morts ; la foudre gronde au loin.

 

Au lieu de regagner sans délai sa chaumière,

Et de suivre la troupe à travers le vallon,

Un écolier peu sage, hélas ! reste en arrière,

Les fraises l’arrêtaient et s’offraient à foison.

 

Le ciel se fond en eau comme aux jours du déluge,

L’éclair à l’horizon trace des traits de feu ;

Sous un chêne touffu l’enfant cherche un refuge,

Ignorant que la Mort plane en ce même lieu.

 

Le lendemain matin – sombre histoire – à l’école

Une place vaquait ; les cœurs étaient en deuil.

Une mère plaintive et que rien ne console,

Pleurait en son logis près d’un petit cercueil.

 

Dans la campagne, enfants, quand vous surprend l’orage,

Ne cherchez pas d’abri sous des rameaux trompeurs ;

C’est un perfide toit qu’un dôme de feuillage ;

Car la foudre renverse arbres et voyageurs.

 

 

 

Marie SANDRAS,

Les noix dorées de l’arbre de Noël,

1872.

 

 

 

 

 

 

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