Une mère au tombeau de son enfant

 

 

Sous les cyprès du cimetière

Combien de fois ai-je pu voir,

À genoux sur la froide pierre,

Une femme en long manteau noir ?

D’un jeune enfant, tendre espérance !

Elle pleurait le prompt départ ;

De son pauvre cœur, la souffrance

Était peinte dans son regard.

 

De ses yeux tout remplis de larmes,

Hélas ! elle épanchait les flots ;

Au ciel redisait ses alarmes

Par des soupirs et des sanglots....

Mais bientôt son âme abattue

Éprouvait du soulagement,

Car son œil par-delà la nue

Voyait son fils, assurément !

 

Son âme alors quittait la terre

Pour la cité du Tout-Puissant ;

Et la fidèle et tendre mère

Conversait avec son enfant....

De sa voix plaintive et sonore,

Ainsi qu’aux jours de son bonheur,

Elle lui témoignait encore

L’amour qui remplissait son cœur.

 

Mon cher enfant, lui disait-elle,

Chantes-tu dans le beau séjour,

Où de Dieu la gloire éternelle

Doit inspirer des chants d’amour ?

Sens-tu le doux parfum des roses

Qui fleurissent sur ton tombeau,

Lorsque ton œil en voit d’écloses

Sous les rayons d’un jour nouveau ?

 

Dis, te souviens-tu de ta mère ?...

L’entends-tu pleurer et gémir

Quand, seule, à genoux sur la pierre,

Elle cherche ton souvenir ?...

Quittes-tu parfois ta demeure

Pour venir à notre foyer,

Lorsque l’aiguille a marqué l’heure

Où la famille va prier ?

 

Veilles-tu pendant la nuit sombre

Près de nous quand nous reposons ?

Et le jour, te tiens-tu dans l’ombre

Contemplant ce que nous faisons ?

Peux-tu souffrir de nos misères,

Et t’affliger de nos douleurs ?

Peux-tu t’unir à nos prières,

Mêler tes pleurs avec nos pleurs ?...

 

Non, nul ne peut verser des larmes

Dans le séjour des bienheureux :

L’agneau de Dieu fait tous leurs charmes,

Son amour comble tous leurs vœux !...

Jamais les soucis de la terre

Ne compromettent leur bonheur ;

Une béatitude entière

En tout temps remplit chaque cœur !...

 

Si tu savais combien j’aspire,

Hélas ! au bonheur éternel,

Et combien mon âme soupire.

Après les demeures du ciel !

Tu comprendrais pourquoi ta mère

Vient pleurer ici chaque soir,

Et dire en sa douleur amère :

Adieu, cher enfant, au revoir !...

 

Au revoir ! la douce parole !

Elle fait tressaillir mon cœur ;

Elle me calme et me console ;

Elle me fait croire au bonheur !...

Au revoir, fils de ma tendresse,

Qui, quoiqu’absent, fais mon espoir ;

Auprès de toi plus de tristesse !

Adieu, mon enfant !.. Au revoir !...

 

Déjà la nuit couvrait de voiles

Le paisible séjour des morts ;

Aux cieux brillaient quelques étoiles,

Les oiseaux chantaient leurs accords.

La mère en deuil, vers sa demeure,

Se retirait à pas pressés,

Craignant d’avoir dépassé l’heure

En donnant cours à ses pensers.

 

 

                                       Basses-Pyrénées.

 

 

Jules SAUZET.

 

Paru dans Les voix poétiques en 1868.

 

 

 

 

 

 

 

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