Invocation

 

 

Ô Nuit, Vierge pâle aux yeux caressants,

Ô nuit cajoleuse, ô nuit d’indolence,

Vierge d’amour pur, Ange du silence,

Puissent mes vers monter vers toi comme un encens !

 

Dieu, qui te fit hautaine et sombre Majesté,

Te couronna le front de splendeur triomphale,

Sema d’abeilles d’or ta robe impériale

Et répandit sur toi sa mystique clarté,

 

Mais il te fit aussi maternelle maîtresse,

Il te fit caressante et te donna pouvoir

De bercer dans les plis de ton long manteau noir

Les poètes perdus qui clament leur détresse !

 

Ils viennent sangloter dans ton sein maternel

Comme un enfant blotti dans les bras de sa mère,

Et, seule, tu comprends ce qui les désespère

Et lu glisses en eux ton repos éternel.

 

Tu connais les secrets qui guérissent leurs cœurs,

Ton calme s’insinue en eux et les console,

Et, toujours indulgente et sans vaine parole,

Tu dorlotes leur âme et tu sèches leurs pleurs.

 

Ô Nuit, molle endormeuse au front ceint de pavots,

C’est toi la Vierge calme et la pure Madone ;

Les pleurs de tes amants emperlent ta couronne

Et tous les malheureux demeurent tes dévots !

 

 

 

Achille SÉGARD.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1894.

 

 

 

 

 

 

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