Réponse à Vigny

 

 

S’il est vrai qu’au jardin sacré des Écritures

Le Fils de l’Homme ait dit ce qu’on a rapporté,

Si, puisque Dieu voulait sauver ses créatures,

Il épousa nos maux et notre pauvreté,

Il vint dans notre chair, il vint sur notre terre

Boire jusqu’au dégoût le calice de fiel,

Partager, dans la vie et la mort solitaire,

Toute notre amertume et nous laisser le miel,

Si dans son grand amour Il voulut condescendre

À tout souffrir pour nous, les crachats et le fouet,

Le total abandon, et, au plein soleil, pendre,

Écartelé, sanglant, au sinistre gibet,

S’il est vrai qu’Il souffrit plus que notre souffrance,

L’âme d’un Dieu souffrant dans son corps torturé,

Et si nous ne pouvons imaginer sa transe,

Nous dont l’amour est tiède et l’élan mesuré,

Et s’il est vrai qu’un Ange, au jardin de l’angoisse,

Paternel messager, vint soutenir Jésus,

Essuyer la sueur sanglante de sa face

Et chasser des démons l’essaim noir et confus,

Je n’accuserai point, ô mon Dieu, ton Silence,

Ne blasphémerai point, mon Père, ta Bonté,

Car ton Verbe a parlé dans l’éternel silence

Et, courbés devant Toi, nous l’avons écouté.

 

 

Raoul STÉPHAN.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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