À Lavater

 

 

 

Ô ami ! combien heureux ceux qui entendaient ! ô ami ! combien heureux ceux qui voyaient, lorsque le Fils de Dieu sur cette terre marchait, pauvre sous la forme d’esclave !

 

Lui par qui le Père créa la terre et les cieux, il n’avait nul abri où poser sa tête fatiguée ; lui que servent les anges servait méconnu, et il est méconnu encore !

 

Souvent les hommes s’éloignèrent de la pure source de la vérité, s’en allant creuser avec fatigue ces citernes où nulle eau ne jaillit pour la soif haletante, lorsque les bras tombent de lassitude.

 

Cependant les siens accueillirent le Dieu-homme. Les corps malades recevaient de lui la santé ; les esprits plus malades la guérison. Ô combien heureux ceux qui puisaient à la source !

 

Le souffle de l’air rafraîchissant nous arrive de loin. Eux, plus heureux, puisèrent à la source ! Et ils devinrent sources eux-mêmes, et désaltérèrent à leur tour des milliers d’hommes, les peuples de l’univers !

 

Pour nous, tard venus, indigents, faibles, abandonnés, ne retentit point la voix du pasteur ; le désert s’étend, toujours plus large ; et plus longues toujours descendent les ombres ; déjà la nuit se fait !

 

Ô Pasteur ! pasteur ! la nuit est-elle bientôt finie ! ai-je crié, plein d’effroi ; et voilà que le ciel s’ouvre, et la voix de Dieu me répond : Heureux celui qui ne voit pas, et qui croit cependant !

 

 

 

Friedrich Leopold von STOLBERG, 1776.

 

Paru dans la Revue européenne en 1831.

 

 

 

 

 

 

 

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