La Nature

 

 

 

Qu’il ne soit pas mon ami celui qui ne t’aime point, divine nature ! Les sentiments célestes lui sont inconnus ! Il ne peut aimer avec transport ni amis, ni enfants, ni femme !

 

Jamais sa lèvre ne trembla, muette, sous une enivrante inspiration ! Son âme ne frémit jamais d’un tressaillement sacré, le matin en voyant le soleil s’emparer des cieux !

 

Dans ta coupe de délices, ô bonté infinie, il ne laissa jamais tomber les larmes de la reconnaissance ! Son partage est le bonheur de l’ivresse on du sommeil ! Une joie triste, de hauts transports, voilà celui du sage.

 

Il n’est point le fils de la liberté ! la patrie n’est rien pour ce lâche !....

 

Pour les cœurs purs seulement est odorante la rosée du soir, au printemps émaillé ! Pour eux seuls est sainte l’ombre des forêts ! Solitude ! eux seuls connaissent tes bénédictions !

 

Ô douce mère le la sagesse, daigne souvent me conduire dans les graves sentiers, à la lueur de la lune, là, uniquement là où le penseur conçoit la vérité profonde et marche en silence, l’âme tout embrasée !

 

Souvent alors les méditations vastes formeront une harmonie dans mon cœur, et, l’imagination débordant, j’enverrai ma voix aux échos des collines !

 

Puisque tu es mon guide, ô nature, mes chants tressailliront pour toi, tandis que je suis jeune ! Ils te célébreront encore lorsque des tresses plus rares argenteront ma tête.

 

 

 

Friedrich Leopold von STOLBERG, 1775.

 

Paru dans la Revue européenne en 1831.

 

 

 

 

 

 

 

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