Une promenade au mois de mai

 

 

Astre resplendissant de force et de lumière,

Qui pour trône as les airs et pour amour la terre,

Qui règle les saisons, qui verses la chaleur,

Athlète toujours beau, toujours jeune et vainqueur,

Père du jour, soleil ! ta course fortunée

Du plus riant éclat vient de parer l’année.

Les bois sont verdoyants, les prés sont refleuris ;

Tout champ a des moissons, et chaque arbre a des fruits.

La terre s’embellit de joie et d’espérance,

Aux beaux jours du printemps le monde a pris naissance.

 

Au bruit confus des eaux, du feuillage et des vents

Qu’il est doux, d’égarer sa pensée et ses sens !

Ce n’est pas le plaisir, mais c’est la rêverie ;

Comme l’eau qui s’enfuit on sent couler sa vie.

Que ce bocage est frais ! combien cet air est pur !

Les zéphirs veillent seuls et les cieux sont d’azur.

 

Loin des sentiers battus, je dirige ma trace

Sur les monts escarpés, sur le bord des ruisseaux,

C’est de l’air et du bruit sur la terre et les flots,

C’est la vie et l’amour ! tout s’unit et s’enlace.

Ici nouveaux objets, là des pensers nouveaux.

 

Quelquefois un aurait, doux et mélancolique,

Guide mes pas errants vers la forêt antique.

De sa profonde nuit le silence et l’horreur

À l’âme la plus forte inspirent la terreur.

C’est ici que de Dieu la majesté réside ;

Je crois entendre encor l’affreux chant du druide.

Les cris de la victime ont déchiré mon cœur.

Barbares, arrêtez... Ô spectacle d’horreur !

Et c’est au nom du ciel que le bûcher s’allume !

Que la vierge est livrée au feu qui la consume !...

 

Du Dieu qui les créa méconnaissant les vœux,

Les hommes ont fait Dieu dur et méchant comme eux,

Insatiable, ardent, commandant les supplices

Et des meurtres sacrés savourant les délices.

Les mains teintes de sang, prêtre fourbe et cruel,

Loin de le faire aimer, tu fais haïr le ciel !

Insensé, connais Dieu ! malheur à qui le brave !

Il a fait l’homme libre, et tu le rends esclave.

 

Assez de sang, assez. Le meurtre désormais

Ne se commande plus au nom d’un Dieu de paix !

Sans crainte des tourments s’exerce la croyance.

Les bûchers sont éteints, mais non l’intolérance.

Plus le mal a vieilli, plus le remède est lent.

Dans le choix des moyens il faut être prudent.

Le cœur veut qu’on le touche et l’esprit qu’on l’éclaire.

Ce qu’en vain nous tentons, d’autres pourront le faire.

L’homme aura bien longtemps à se plaindre, à gémir,

Et de plus d’un ulcère il faudra le guérir.

Entrouvert à demi le bandeau tient encore.

Si ce n’est pas le jour, c’est du moins son aurore.

Phare attendu longtemps, vif et brillant rayon,

La vérité se montre aux bords de l’horizon.

Bientôt à sa clarté le genre humain s’éveille,

Et contemple, en pitié, les erreurs de la veille ;

Aujourd’hui mécontent et satisfait demain ;

Quelques efforts encore, et le but est atteint.

 

 

 

 

Le baron de TALAIRAT.

 

Paru dans L’Anémone, annales romantiques

en 1837.

 

 

 

 

 

 

 

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