Invocation

 

 

Oh ! ne puis-je étouffer les vains bruits de la vie !

        Éloigner son calice amer,

Fuir cette route obscure, où je suis asservie,

Pour des aspects plus doux, un horizon plus clair !

Viens donc, ô viens à moi, bienfaisante immortelle,

Seule consolatrice à mes ennuis fidèle ;

Accours, les yeux pensifs, le front paré de fleurs,

Avec ta harpe d’or, qui vibre au fond de l’âme,

Ta coupe, d’où s’épanche un breuvage de flamme,

        Et ton prisme aux mille couleurs !

 

Toi seule as su charmer ma route commencée ;

De mes pas, qu’entravaient mille obstacles divers,

Quelques-uns, mesurés au bruit de tes concerts,

Laissaient sur mon chemin leur trace cadencée ;

Ce sont les seuls encor qui ne m’aient point lassée.

Ainsi, de longs travaux le soldat rebuté,

Sous la bise d’hiver, ou le soleil d’été,

Accuse la lenteur d’une marche pénible ;

Prêt à se révolter contre l’ordre inflexible,

Il entend tout à coup résonner à la fois

Des trompes, des clairons la belliqueuse voix ;

Tandis qu’à leurs accords s’unit, par intervalle,

Quelque refrain connu de la terre natale,

Docile aux sons joyeux des instruments guerriers.

Il rêve tour à tour la gloire et ses foyers !

Sa plainte s’assoupit, ses fatigues s’oublient,

Aux temps du rythme égal ses pas égaux se plient,

Et sans murmure il suit l’ombre de ses drapeaux,

Jusqu’au but inconnu marqué pour son repos !

 

 

 

Amable TASTU.

 

Recueilli dans Femmes-poètes de la France,

anthologie par H. Blanvalet, 1856.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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