Le passage de la Barre

 

 

             Le soir descend, l’étoile luit ;

             Un cri d’appel distinct m’arrive.

             Puisse à mon départ de la rive

             La Barre être calme et sans bruit !

 

Sur la vague muette, ainsi qu’on vogue en songe,

Par un reflux berceur que je sois emporté,

Tandis que de nouveau dans l’abîme se plonge

Le flot que de son sein l’abîme avait jeté.

 

             La cloche du soir vibre, et l’ombre

             S’épaissit de la terre aux cieux ;

             Sans tristesse soient les adieux

             Quand j’entrerai dans la nuit sombre !

 

Car, des confins où l’homme un temps est attardé,

Entraîné par le flux, si loin que je m’égare,

J’espère, lorsque enfin j’aurai franchi la Barre,

Voir face à face, un jour, Celui qui m’a guidé.

 

 

 

Alfred TENNYSON.

 

Traduit par Gabriel Le Prévost.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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