Parce Domine

 

 

L’église du village est éclairée à peine.

Les mobiles de Brest et ceux d’Ille-et-Vilaine

Viennent à l’angélus y prier en commun,

Car ils seront ce soir de grand’garde, et pas un

Ne veut aller là-bas sans un bout de prière.

L’aumônier, né comme eux dans les champs de bruyère,

Leur dit qu’il faut offrir un cœur pur au Dieu fort,

Et marcher en chrétien au-devant de la mort.

Et, pour donner encore aux paroles du prêtre

Plus de solennité, le canon de Bicêtre

Fait trembler par instants les vitraux de la nef...

Tous entonnent alors, du soldat jusqu’au chef,

Le Parce Domine ! ce grand cri que l’Église

Jette en pleurant vers Dieu dans les heures de crise.

 

« Épargnez-nous, Seigneur ! » chantent ces paysans

Que l’aube reverra peut-être agonisants ;

Et, tandis que leurs voix montent dans l’air humide,

Il me semble, au delà des cintres de l’abside,

Entendre les rumeurs d’une foule à genoux :

Femmes en deuil, enfants sans pères, vieux époux

Dont les fils sont perdus sous la pluie et la neige,

Laboureurs qu’on rançonne et bourgeois qu’on assiège,

Toute la France enfin, lasse, blessée au cœur,

Et criant dans la nuit : « Épargnez-nous, Seigneur ! »

 

 

 

André THEURIET.

 

 

 

 

 

 

 

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