Scientia Victorum

 

 

– Seigneur, Toi qui me nourris,

Mamelle étoilée gonflée de silence,

Toi qui me nourris et que je ne connais pas !

Mais comment te connaîtrais-je, ô Dieu, proie du monde ?

Le fruit que je dévore et l’air que j’aspire m’ont-ils jamais dit leur secret ; leur âme incommunicable et subtile a-t-elle jamais chanté en moi ; ai-je jamais perçu en eux autre chose qu’une litière servile où s’apaise mon désir ?

 

Tout aliment n’est-il pas pour moi substance conquise, triée, dissoute,

Recréée à mon image,

Incurablement métamorphosée,

– Tout aliment n’est-il pas moi-même ?

– Dévore-moi, Toi qui me nourris !

 

Alors je te connaîtrai,

Non plus en vainqueur étroit, à travers mon essence informante et dominatrice, mais dans ton amplitude inviolée ;

Je sentirai s’imprimer dans mes entrailles une image de Toi vierge et fidèle comme le reflet des ailes de l’aigle dans l’œil mourant de sa proie.

 

La proie qui succombe épouse l’envergure intégrale de l’aigle.

– Les vaincus seuls savent...

Devant plus profond que soi, mieux vaut être la proie que le ravisseur.

– La suprême nourriture de l’homme est d’être dévoré par Dieu.

 

 

 

Gustave THIBON, Offrande du soir, Lardanchet.

 

 

 

 

 

 

 

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