La nuit des morts en Bretagne

 

 

La cloche des morts a sonné tantôt.

Mets le pain d’avoine et la nappe blanche,

Du rameau bénit la plus grosse branche ;

La cloche des morts a sonné tantôt.

 

Entends-tu déjà comme un long sanglot,

Par instants gémir dans ces lieux funèbres ?...

Les morts vont venir avec les ténèbres.

Entends-tu déjà comme un long sanglot ?

 

Tout semble souffrir : des plaintes, des cris,

Déchirent les airs, sifflent sur la houle,

L’écho s’en empare et la vague roule

Dans ses flots mouvants des plaintes, des cris.

 

Puis viennent en masse – horribles débris

De pâles noyés – des bras qui se tordent.

Des têtes sans yeux et des dents qui mordent,

De pâles noyés, horribles débris.

 

Chaque vague porte une âme en tourment,

On les voit courir sur la blanche lame,

Cherchant dans la nuit une autre pauvre âme,

Aimée autrefois, comme elle en tourment.

 

À chaque rencontre un gémissement

De ces spectres noirs sort lugubre et sombre.

Ils veulent s’étreindre et le flot dans l’ombre

Les emporte avec un gémissement.

 

Ma porte a tremblé, ma lampe a pâli.

Quel souffle a glacé l’ombre décevante ?

Oh ! nuit de tristesse ! oh ! nuit d’épouvante !

Ma porte a tremblé, ma lampe a pâli.

 

Pourquoi donc quitter ton funèbre lit ?...

N’ai-je pas baisé tes paupières closes,

Mis la croix dessus et couvert de roses,

Morte que j’aimais, ton funèbre lit ?...

 

 

 

Mlle B. THOREL.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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