De l’amour faux

qui offense les vertus

 

 

Amour qui est contrefait

Et dépouillé de vertu

Ne peut faire le salut,

Là où est le vrai amour.

 

Amour se fera lascif

Si reste sans tempérance ;

Navire sans nautonier

Est rompu par la tempête ;

Cheval emballé sans frein

Court tout droit au précipice,

Ainsi fait le faux amour

Que sans vertu l’on chemine.

 

Amour qui n’est assez fort

A mortelle infirmité ;

Si l’adversité l’occit,

Pire est en prospérité

Son hypocrite semblance,

Qui dehors par tous pays

Fait montre de sainteté

Par ses chants et par ses danses.

 

Amour qui n’est assez juste

De Dieu se voit réprouvé ;

Va toujours parlant d’amour

Et en fait très grand état ;

Sa langue a placé au ciel,

Son cœur sur terre est fixé ;

Fait un ignoble marché

Qui ne veut que se montrer,

 

Amour qui n’est assez sage

Et de prudence vêtu

Ne peut voir tous les excès,

Parce que est insensé ;

Renverse lois et statuts

Et tout usage ordonné,

Prétend que s’est élevé

Là où nulle loi oblige.

 

Ô amour très infidèle

Sorti de la droite voie,

Tu ne réputes péché

Aucune chose qui soit ;

Vas semant partout erreurs

De la pessime hérésie,

Aussi fausse compagnie

Tout homme doit éviter.

 

Amour qui n’a espérance

Ne vient pas à vérité ;

Car ne peut voir la lumière

Qui veut fuir toute clarté ;

Comment peut aimer le ciel

Qui sur terre a ses amours ?

N’appelez pas liberté

Pour l’homme d’être sans loi.

 

Ô Charité, qui es vie,

Et tout autre amour est mort,

Ne vas renversant les lois ;

Bien mieux les observes toutes,

Et là où n’est pas de loi,

Sous la loi nous as réduits ;

Ne peut savourer le fruit

Qui ne veut de toi pour guide.

 

Tout acte en soi est licite,

Mais non à n’importe qui ;

Au prêtre le sacrifice,

À femme et mari le fils,

Au podestat faire occire,

Au juge délibérer,

Au notaire actes dresser,

Au médecin faire cures.

 

N’est à tout homme licite

D’exécuter un larron ;

Le pouvoir a pour office

De condamner par raison ;

À l’œil ne serait congru

De faire la digestion,

Au nez de tenir langage,

À l’oreille de marcher.

 

Qui vit sans suivre la loi

Sans loi aussi périra ;

Tout courant va à l’enfer

Qui telle route poursuit ;

C’est là que vont s’entasser

Toutes choses qu’on regrette

Ceux qui ensemble faillissent

Ensemble auront à peiner.

 

 

 

Jacopone da TODI.

 

Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.

 

 

 

 

 

 

 

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