L’ère nouvelle

 

 

L’Olympe des anciens tremblait sur ses assises.

Des dogmes surannés les ombres indécises,

Fantômes décevants,

Procréés dans la nuit ; conçus par l’ignorance,

Offrant la crainte au faible, aux puissants l’espérance,

Flottaient au gré des vents.

 

Soudain l’on vit s’enfuir ombres, spectres, chimères :

D’un astre éblouissant les gerbes de lumières

Jaillirent au ciel bleu.

Le monde rajeuni, s’affermit sur sa base,

Il accueillit, plongé dans la joie et l’extase,

La naissance d’un Dieu.

 

Puis il fit retentir un long cri d’allégresse :

Il avait retrouvé l’éternelle jeunesse

Au sein de l’Éternel.

L’œil de Dieu, ce rayon dont la vie est l’essence,

Laissait tomber sur nous, du haut de sa puissance,

Son regard paternel.

 

Et l’Homme-Dieu naquit. Il prohiba les haines,

Prêcha la charité, rompit toutes les chaînes

Et, divin rédempteur,

À la cause du droit sacrifiant sa vie,

De notre humanité dans les fers asservie,

Se fit libérateur.

 

De tout ce qu’il a fait pour le bonheur des hommes,

Que nous reste-t-il donc ? Esclaves que nous sommes,

Nous nous forgeons des fers.

Nous, citoyens du ciel, sauvés par sa clémence,

Nous nous constituons, par haine ou par clémence,

Courtisans des enfers.

 

Nous fuyons le soleil. Cherchant dans la nuit sombre

Les larves de l’erreur, nous reléguons dans l’ombre

La sainte vérité.

Mais le Christ, dissipant notre rêve factice,

Fera régner chez nous l’amour de la justice

Et de la liberté.

 

 

 

Fall River, 24 décembre 1885.

 

 

 

Rémi TREMBLAY, Coups d’aile et coups de bec,

Montréal, Imprimerie Gebhardt-Berthiaume, 1888.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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