Regarde !

 

 

Viens ! Regarde ! Le soleil plonge

Et roule vers l’ouest en feu,

Tandis que l’ombrage s’allonge

Près du bois qui redevient bleu.

 

Regarde osciller la cohorte

De tous les nuages épars,

Comme font, sur l’eau qui les porte,

Les feuilles de grands nénuphars.

 

Vois ! La flèche victorieuse

Du dernier rayon d’or jeté

S’est faite cendre lumineuse

Et notre suprême clarté !

 

Puis la cendre devient épaisse ;

La nuit commence à dérouler

Ses longs replis, c’est une espèce

De mer qu’elle fait déferler.

 

Chaque soir âme se grise,

Comme si la scène des cieux

Nous donnait cette joie exquise

De connaître un monde moins vieux.

 

C’est vrai que la métamorphose

Du jour qui repasse à la nuit

N’a plus l’intérêt d’une chose

Neuve, d’un spectacle inédit.

 

Mais j’aime tant voir tes prunelles

S’agrandir d’admiration,

Capter les formes irréelles

Qui font une procession,

 

Se clore pour graver la phrase

Écrite dans le firmament,

Puis se réouvrir en extase

Pour l’incomparable moment

 

Où, passant d’un vol taciturne

Dans le ciel qui maintenant dort,

Dieu fixe le voile nocturne

Avec des milliers de clous d’or !

 

 

 

Adalbert TRUDEL, Sous la faucille,

Imprimerie Ernest Tremblay, 1931.

 

 

 

 

 

 

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