À Silvio Pellico

 

 

POÈTE, sois béni ! quand ton pieux délire,

Élevant vers Jésus et ton cœur et ta lyre,

S’éveille ou se rendort au souffle du Seigneur ;

En chantant de la foi les hautes espérances,

Tu m’apprends à jouir même de mes souffrances

Que l’amour divinise au sang du Rédempteur.

 

Sous tes doigts frémissants, quand ta harpe respire,

Qu’ils sont doux, avec toi, les pleurs ou le sourire !

Je goûte tour à tour ton absinthe et ton miel.

En montant par la croix pour atteindre la gloire,

Tu sèmes, en jalons d’un chemin de victoire,

Les larmes et les pleurs sur le sentier du ciel.

 

D’un suave transport, oui, mon âme est saisie

Devant tes chants sacrés, parfums de poésie,

Échos purs et vivants du luth d’un séraphin ;

Mélodieux soupirs, extatiques louanges,

Que tu continueras aux oreilles des anges

Dans les flots de l’amour sans mesure et sans fin.

 

Anathème au talent qu’offusque la lumière,

Et dont la muse impie éteint dans la poussière

Son diadème d’or et ses ailes de feu !

Mais toi, qui voit la vie au-delà de la tombe,

Aigle majestueux ou plaintive colombe,

Tu diriges ton vol vers le trône de Dieu.

 

Que de fois, quand tu peins de douloureuses scènes,

Mes pleurs ont arrosé tes pages, – et les chaînes

Que ton pied résigné traînait dans ta prison !

Mais tes fers brilleront en fleurons de couronne,

Quand le Dieu, dont l’éclat dans tes écrits rayonne,

Ouvrira devant toi l’éternel horizon.

 

Le ciel réclamera ta belle âme exilée.

Oh ! puisse-t-elle alors, paisible et consolée,

Sur le sein de Jésus tendrement s’assoupir !

Puissent ton ange saint et la foi que tu chantes

Embaumer, enivrer de délices touchantes

Ta dernière parole et ton dernier soupir !...

 

 

 

Bénédict TRUFFEY.

 

Recueilli dans Le Parnasse contemporain savoyard,

publié par Charles Buet, 1889.

 

 

 

 

 

 

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