Exorde du Livre de Lodi

 

 

Au nom du Christ : voici le commencement du Livre de Uguccione de Lodi.

 

Je commence par Ton nom, Père, Dieu Créateur,

Divine Majesté, vrai sauveur.

Ils Te prient et T’adorent, les grands et les petits,

Les princes et les rois, les comtes et les marquis.

Sire Dieu, qui T’offense doit avoir grand-peur,

S’il se souvient du feu et de la chaleur

Dont parlent l’Écriture et nos ancêtres

Et qui sont en enfer dans la grande ténèbre.

Ceux qui sont là-dedans ont un bien méchant seigneur.

Là, on ne trouvera point de bon aubergiste,

Ni lit ni banc (qui soit) convenable,

Ni vair ni hermine, ni couverture, ni toit.

Point de déduit d’épervier ni d’autour,

Et l’on ne distingue pas ce qui est le pire :

Tous sont pleins d’ire et fureur

Et sont plus noirs que corbeau ou vautour.

(Et) dans l’enfer, il y a un très grand arbre,

Plus grand que tous ceux qu’on a jamais pu voir,

Et qui jamais ne portera ni fruit, ni fleur ;

Ses feuilles et son tronc coupent comme rasoir.

Bon gré, mal gré, le pécheur y monte

Et il est précipité en bas quand il est au plus haut,

Et tombe dans un feu dont la chaleur est si grande

Qu’il lui paraît durer cent ans avant que revienne le froid.

« Dieu, miserere, crie chacun d’eux,

« Ni parent ni femme ne me peuvent servir maintenant,

« Ni fils ni fille, ni frère ni sœur,

« Ni château, ni forteresse, ni grand palais ni tour. »

Seigneur Dieu propice qui de tous est le plus grand,

Sauveur du monde que je prie et adore,

Garde-moi des peines infernales ;

Que je ne ressente jamais cette cruelle douleur ;

Seigneur Dieu, qui Te sert doit avoir grande allégresse,

Et qui Te portera foi sincère et amour,

Tu le logeras dans les roses et dans les fleurs

Du Paradis où règne une telle splendeur

Que soleil ni lune n’y auront plus de valeur.

Et comme je crois sans aucune restriction

Que tout cela est vrai, Dieu grand Rédempteur,

Qu’il te plaise donc, très haut Seigneur,

De me pardonner, car je suis un très grand pécheur.

 

 

 

 

UGUCCIONE DE LODI.

 

Recueilli dans Poésie italienne du Moyen Âge,

textes recueillis, traduits et commentés

par Henry Spitzmuller,

Desclée De Brouwer, 1975.

 

 

 

 

 

 

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