Chant du pauvre

 

 

Je suis bien pauvre et m’en vais solitaire,

Et cependant, une fois sur la terre

Où j’en vois tant, de tous les biens jouir,

J’aurais encor voulu me réjouir.

 

Quand je vivais autrefois en famille,

J’étais un bel enfant pour qui fourmille

L’essaim charmant des rêves dorés ; mais,

Mon père mort, tout m’a fui pour jamais.

 

Je vois fleurir les beaux jardins du riche,

Et les moissons des champs qu’on lui défriche,

Tout en suivant le pénible chemin,

Où la douleur me conduit par la main.

 

Et cependant à mon insu, j’éprouve

Je ne sais quel plaisir, quand je me trouve

Parmi des gens heureux, et qu’alentour

Je puis au moins dire à chacun bonjour...

 

Ô Dieu puissant, toute joie à ma vie,

Tu le vois donc, n’est pas encor ravie,

Et sur nos maux, de ton ciel il descend

Des rayons purs dont chacun se ressent.

 

Dans tout hameau s’ouvre ta maison sainte

Dont, à personne, on n’interdit l’enceinte,

Et l’orgue y verse à tous également

L’oubli des pleurs et le recueillement.

 

Les astres dont ton beau ciel se décore,

Avec amour me regardent encore ;

Et, sur le soir, quand tinte le beffroi ;

Vers toi, mon cœur s’envole sans effroi.

 

Un jour, les bons dans ton palais, mon père,

Entreront tous ; j’en serai, je l’espère ;

Et moi pour qui tout ici-bas manquait,

J’aurai comme eux place au divin banquet.

 

 

 

Ludwig UHLAND.

 

Traduit de l’allemand par Max Buchon.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net