Je voudrais rester femme

 

 

Je te demande, ô Mort, de reprendre à mon âme

Les biens qui m’ont poussée au besoin de mourir ;

Mais dans l’éternité je voudrais rester femme,

Garder mon cœur splendide ou meurtri du désir,

 

Goûter le paradis en extases fragiles,

Subir l’enfer avec mon féminin effroi,

Et garder, cher captif entre mes bras débiles,

Ce grand pouvoir d’amour que rien n’épuise en moi.

 

Je voudrais demeurer femme tremblante et forte.

Conserver mon destin de frissonnant orgueil,

Et voir encor frémir à mon front clair de morte

Le voile de ma grâce au-delà du cercueil.

 

Par les vagues séjours dont le mystère mêle

Tant d’attraits aux pensers tournés vers le trépas,

Qu’aux rumeurs d’infini joignant un rythme frêle

Le bruit frais de ma robe entoure encor mes pas !

 

Que je sois tour à tour reine, sœur ou servante,

Aux rivages de joie ou sur les mornes bords,

Que je reste à jamais redoutable ou touchante

À force de vouloir, de faiblesse et d’efforts !

 

Et tandis que j’irai refleurissant sur terre

Dans les symboles fins de l’être et de sa loi,

Dans la tige et le jonc, et dans l’eau passagère,

Dans la lune qui tient la mer entre ses doigts,

 

Quand l’humblesse attirante et quand l’audace triste

Rappelleront mes jours ceints d’ombre et de remous,

Ce qui change et revient, ce qui ploie et persiste

Sera, mon Cher Destin, une image de vous.

 

J’emporterai là-bas aux plis de ma poussière

Mon vêtement de charme et de fragilité,

Mes deuils seront intacts et mon essence entière :

Je voudrais rester femme en mon éternité.

 

 

 

Hélène VACARESCO, Lueurs et Flammes.

 

Recueilli dans Toutes les lyres,

anthologie critique des poètes contemporains,

par Florian-Parmentier,

Gastein-Serge éditeur, s. d.

 

 

 

 

 

 

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