Le chanteur

 

 

Sur les quais où le tremble au souffle du Nord ploie,

Où l’eau verdâtre fuit vers l’Océan lointain,

J’erre ; le vent grandit, le jour pâle s’éteint,

Et la dernière feuille éperdument tournoie.

 

Et tout à coup, j’entends une clameur de joie,

Un oiseau célébrant la splendeur du matin,

Les profondes forêts, les monts semés de thym,

Dans un étroit cachot suspendu sur la voie.

 

Je lui criai : « Pauvre insensé, pourquoi ces chants ?

La nuit tombe, l’hiver dépouille bois et champs ;

D’où te vient cette folle et sonore allégresse ? »

 

Le rossignol me dit : « Je ne suis pas joyeux,

Je tâche d’échapper à ma sombre détresse :

Il faut bien que je chante, on m’a crevé les yeux. »

 

 

VÉGA, L’Ombre des Oliviers.

 

Recueilli dans les Suppléments à l’Anthologie

des poètes français contemporains, 1923.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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