Vers l’enfance

 

 

Les passions d’ardeur et de savoir ? – Vidées.

 

– Alors, viens voir ton bel ange gardien, le tien,

Qui lentement s’assied sur tes tombeaux d’idées.

 

Il te parle, très doucement, de l’autrefois ;

« Écoute : et les saluts, jadis, à l’oratoire,

Et les Noël et les Pâques et puis les Croix,

Et les âmes des tiens qui sont en purgatoire.

 

« Écoute : et les premiers alleluias chantés,

Et, le samedi soir, les bonnes litanies

Et les psaumes, de nef en nef répercutés

Et lents, aux pas égaux de leurs monotonies.

 

« Écoute : et les processions – et puis encor

Les ex-votos en mai dressés sur des estrades,

Et la Vierge Marie, avec son Jésus d’or,

Et les enfants de chœur qui sont des camarades.

 

« Écoute : et du petit village il s’en souvient

Ton cœur, écoute : et puis, donne ta confiance,

En cette heure d’ennui, à ton ange gardien,

Qui doucement te vient parler de ton enfance » ;

 

– Hélas ! pur, tranquille et clair, il ne ferait

Qu’un bruit, sur mon cerveau de blanches étincelles,

Que mon absurdité bougonneuse viendrait

Lui déchirer les yeux et lui casser les ailes.

 

 

 

Émile VERHAEREN, Les débâcles.

 

Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,

présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,

Duculot, 1968.

 

 

 

 

 

 

 

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