Sonnet

 

 

Le soir, dans le quartier lépreux des vieilles villes,

Mes pas mornes et lourds ont parfois rencontré

À l’endroit où l’escroc s’attarde avec les filles,

Un petit coin de rue encor chaste et sacré.

 

Deux lampes y veillaient une Vierge de pierre

Qui, triste et le front bas, dans le creux du mur noir,

Joint ses mains de Madone et baisse la paupière

Devant le vice infâme et puant du trottoir.

 

Telle aussi dans mon cœur où le terrible doute,

La honte et le remords, ont construit leur redoute,

Où l’affreux désespoir se tord sur son fumier,

 

Où le vice a conquis sa case du damier,

Tu restes triste et seule, Ô souvenance ailée,

De mon premier amour éclos sous la saulée.

 

 

 

Émile VERHAEREN, Poésies de jeunesse.

 

Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,

présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,

Duculot, 1968.

 

 

 

 

 

 

 

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