La route lente et haute

 

 

On n’offense que Dieu qui seul pardonne.

                                                                Mais

On contriste son frère, on l’afflige, on le blesse,

On fait gronder sa haine ou pleurer sa faiblesse,

Et c’est un crime affreux qui va troubler la paix

Des simples, et donner au monde sa pâture,

Scandale, cœurs perdus, gros mots et rire épais.

 

Le plus souvent par un effet de la nature

Des choses, ce péché trouve son châtiment

Même ici-bas, féroce et long communément.

Mais l’Amour tout-puissant donne à la créature

Le sens de son malheur, qui mène au repentir

Par une route lente et haute, mais très sûre.

 

Alors un grand désir, un seul, vient investir

Le pénitent, après les premières alarmes,

Et c’est d’humilier son front devant les larmes

De naguère, sans rien qui pourrait amortir

Le coup droit pour l’orgueil, et de rendre les armes

Comme un soldat vaincu, – triste, de bonne foi.

 

Ô ma sœur, qui m’avez puni, pardonnez-moi !

 

 

 

Paul VERLAINE, Sagesse.

 

 

 

 

 

 

 

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