Pour leurrer ma détresse

 

 

Pour leurrer ma détresse et pour bercer mon doute,

Ô Dieu, dans votre église, il ne me suffit pas

D’une brume d’encens au ciel noir de la voûte,

De l’écho solennel intimidant les pas,

De l’orgue, que le cœur, avec l’oreille, écoute.

 

Et le déroulement de vos processions

Où la ferveur, parmi l’or des cierges, s’enflamme,

Les psaumes qu’ont chantés les générations,

Ne peuvent rafraîchir ni détendre mon âme

Et la nourrir d’un miel sacré d’émotions.

 

Plus d’un, comme on fait luire au soleil une gemme,

Goûte en eux son passé pieux ressuscité

Par les cloches d’argent ; et c’est presque un blasphème

De dire : « Que m’importe à présent leur beauté ? »

Pourtant, de quoi sert-elle, ô Seigneur, sans vous-même ?...

 

Pour moi, tout est combat, tout est déchirement :

Vous seul me tendriez la cuirasse et le glaive,

Vous m’envelopperiez d’un ample vêtement.

Comme un sol desséché qui s’entrouvre, je rêve,

En mon aridité, d’un long jaillissement.

 

Mes ceps n’ont point porté de grappes, et la Vie

N’a pas comblé ma coupe avec son vin trop doux.

Pareille aux plus croyants, – combien je les envie !

Les mains sur mes yeux clos, je ne voudrais que Vous

En un farouche élan qui jamais ne dévie.

 

Mais aucun dogme, hélas ! n’a conquis ma raison,

Et comme, tout à coup, plus tremblant et plus sombre,

Un blessé qui n’a plus d’espoir de guérison

A peur des seuils heureux et s’enfonce dans l’ombre,

Seigneur ! craignant mon mal, je fuis votre maison...

 

 

 

Marie-Louise VIGNON,

La Douleur solitaire : La Mort qui passe.

 

 

 

 

 

 

 

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