Dieu si loin, et pourtant si près

 

 

Ne pas connaître Dieu me causait tant d’alarmes,

Qu’à sa recherche un jour je partis tout en larmes.

D’abord je rencontrai la terre, auguste lieu,

Et lui dis : Est-ce ici le royaume de Dieu ?

 

      Le royaume de Dieu ? murmura-t-elle.

            Oh non ! Trop pauvre est ce séjour,

            Je ne suis que la vaste cour

      Du palais d’or où gît son escabelle.

 

Au bord de l’Océan je m’enfuis au plus vite.

En vain mon œil s’égare au loin : pas de limite.

L’infini m’apparaît, joyeux pressentiment.

Plus de doute, c’est Dieu : voilà son vêtement.

 

      Le vêtement de Dieu ? mugit la grève.

            Y penses-tu ? petit distrait,

            Vois donc ! je n’en suis que l’ourlet.

      Parler ainsi, c’est mêler veille et rêve.

 

Alors, je pris mon vol vers la céleste voûte.

Des mondes y couraient leur gigantesque route,

Des soleils y traînaient leur parure de feu.

Cette fois j’étais bion en présence de Dieu.

 

      Et le ciel me cria : Quelle impudence !

            C’est vrai, je connais le Seigneur ;

            Mais tout ce que je puis, quêteur,

      C’est te montrer un coin de sa puissance.

 

Grande fut ma surprise, et plus grande ma peine.

Pourquoi tenter encore une recherche vaine,

Pour trouver Dieu ? Pourquoi porter plus loin mes pas ?

Puisque ciel, terre et mer ne le contenaient pas.

 

      Déjà fuyait pour moi toute espérance,

            L’ennui plissait mon front rêveur,

            Quand regardant soudain mon cœur,

      J’y vis ce Dieu, cause de ma souffrance.

 

Ô Dieu ! vous habitez sous mon toit solitaire,

Et moi j’interrogeais le ciel, les flots, la terre.

Vous étiez là, Seigneur, vous me prêchiez tout bas

Votre présence. Et moi je ne comprenais pas.

 

      Aussi, grand Dieu, quel douloureux reproche,

            D’avoir erré si loin de vous !

            Mais quel bonheur intense et doux,

      De vous savoir mon voisin le plus proche !

 

 

 

Albert Maria WEISS,

Sagesse pratique : pensées, récits, conseils,

ouvrage traduit de l’allemand sur la 6e édition

par l’abbé L. Collin, 1898.

 

 

 

 

 

 

 

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