L’enfer du bibliophile

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Charles ASSELINEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

 

LE CAS DE CONSCIENCE

 

 

... Oui... l’Enfer ! N’est-ce pas toujours là qu’il faut en venir, tôt ou tard, dans cette vie ou dans l’autre, ô vous tous qui avez placé vos joies dans des voluptés inconnues au vulgaire ?

L’amoureux a l’indifférence ; le joueur, la pauvreté ; l’ambitieux, l’impuissance ; l’artiste, l’obscurité et l’envie ; le paresseux, la famine ; l’avare, la ruine, et le gourmand, l’indigestion.

Mais pourrait-il y avoir un enfer pour une innocente manie, qui se repaît d’elle-même et qui tourne à l’honneur des lettres et de la patrie, en faisant subsister quatre ou cinq industries ? Je ne l’aurais pas cru.

Il y en a un pourtant. Je le sais aujourd’hui, car j’en reviens : « Je suis, je suis celui qui reviens de l’Enfer du bibliophile ». Me demanderez-vous pour quel péché l’on y souffre ? Je vous répondrai : « Faisons de bonne foi notre examen de conscience ; et dites-moi s’il est une seule manie, même la plus innocente, qui ne les contienne tous : cupidité, luxure, orgueil, avarice, oubli du devoir et mépris du prochain ? Aussi voyez-les tous, ces picoreurs de fruits défendus, interrogez leur oeil au moment de la jouissance, et dites-moi s’il n’y a pas dans leur regard quelque chose de la passion du joueur et de la férocité du libertin ! Observez seulement le mouvement de joie sauvage ou enfantine par lequel ils serrent dans leur poche ou sous leur bras l’objet longtemps convoité, et puis calculez l’effet d’une telle passion doublée, ne fût-ce que pendant un jour, de la puissance d’un Néron ! »

Je ne parle pas, bien entendu, de l’amateur indolent et riche qui ne chasse que par procuration et s’en remet, pour ses acquisitions, aux soins d’un bouquineur émérite auquel il donne carte blanche, et qui le méprise ; oui, qui le méprise, comme le garde-chasse et le braconnier mépriseront toujours le maître lâche et maladroit qui triomphe par leur adresse.

 

            Ces beaux chasseurs de circonstance,

            Savez-vous à quoi cela sert ?

            Quand ils fêtent leur Saint-Hubert,

            C’est moi qui fournis la pitance !

 

Ainsi parle le braconnier dans la chanson de Pierre Dupont ; ainsi pense, soyez-en sûrs, tout connaisseur qui fait lever le gibier littéraire pour le festin des traitants et des banquiers.

 

 

 

II

 

 

LE PÉCHÉ

 

 

Je parle ici de l’amateur – chasseur, et chasseur actif, qui ne s’en rapporte qu’à lui-même et pour qui le libraire expert est un ennemi naturel dont il se défie.

Celui-ci, voyez-le au matin de chaque vacation d’une vente, retourner, ouvrir, feuilleter avec une curiosité fébrile chacun des volumes exposés. Rien ne lui échappe, ni une tache, ni une mouillure, pas même une simple piqûre, pas même un raccord dans le titre ou une rognure d’un demi-millimètre. Le libraire chargé de la vente le regarde avec mauvaise humeur ; car il sait que de lui il n’y a pas de commission à attendre. Voilà le véritable amateur : tel vous le retrouverez le soir, à la vente, enveloppé dans son manteau, le collet relevé sur sa moustache, le chapeau rabattu sur son nez, caché dans un coin, et se dissimulant de son mieux pour ne pas éveiller l’attention de ses ennemis les libraires, car il sait qu’ils sont capables, par esprit de corps, de se coaliser pour lui enlever un volume.

Le moment venu, il se faufile en se courbant derrière ses voisins et se glisse jusqu’à l’oreille du crieur, auquel il souffle son enchère. On en a vu d’assez subtils pour se faire accompagner d’un ami inconnu qu’ils placent à quelques pas d’eux, dans les rangs des acheteurs, et auxquels, le dos tourné au bureau, ils transmettent par signes convenus leurs volontés.

Mais aussi, quel triomphe pour l’amateur quand le volume poursuivi lui est adjugé ! Avec quel orgueil il se redresse et rejette son manteau, en lançant un regard ironique au vendeur ! – On va payer ! – L’amateur véritable paie toujours comptant, pour n’avoir obligation à personne. Son compte fait et réglé, il met son emplette dans sa poche, et s’en va fièrement sans même porter la main à son chapeau.

– Ah ! le gaillard ! c’était pour lui ! se dit le libraire qui le regarde partir avec envie.

Jalousie légitime ! car pour lui l’amateur est pire qu’un ennemi, c’est un rival. Il connaît à fond la valeur des livres. Il a fait une longue étude des catalogues avec prix, dont il a chez lui toute une collection. Il sait à n’en point douter d’où provient tout exemplaire mis sur table, et à quels prix il a été successivement coté depuis soixante ans. C’est son plaisir de dévoiler toutes les petites ruses du catalogue. Tel volume est marqué comme provenant du cabinet du comte d’Hoym. – « C’est une erreur ! L’exemplaire du comte d’Hoym a été acheté par un tel et revendu après sa mort en 18... ; il appartient aujourd’hui à M. Untel ; celui-ci provient de la vente Aimé Martin, et il est de condition bien inférieure. »

Du reste, cette inimitié de l’amateur et du libraire ne dure pas au delà du champ clos de la vente publique. Dans sa boutique, le libraire est pour l’amateur plein de déférence et d’attention. Il le fait causer pour obtenir de lui des renseignements. On a vu des libraires assez consciencieux pour refuser le prix d’un livre, suffisamment payé, disaient-ils, par les indications recueillies pendant une heure d’entretien.

 

 

 

III

 

 

LA DAMNATION

 

 

Enfin, voyez-le sur les quais, notre amateur. – Il sait et répète avec tout le monde depuis vingt ans qu’on ne trouve rien sur les quais. Mais il peut se faire qu’en dix ans une seule occasion se présente. Et cette occasion-là, il ne veut pas que d’autres que lui en profitent. Il a pour lui les autorités : Nodier et Parison, par exemple, qui trouvèrent sur les quais l’un le Marot d’Étienne Dolet, l’autre le César de Montaigne, payé à sa vente quinze cent cinquante francs, et qui lui avait coûté dix-huit sous 1 !

En général, l’amateur des quais est celui dont les manies sont les plus curieuses et les plus folâtres. Le client des ventes publiques et des libraires recherche et paie fort cher des livres parfaitement accrédités et cotés, de bonnes éditions des classiques, les Barbou, les Elzévirs, etc., etc. Le client des quais s’est buté à une spécialité encore inconnue et qui fera fureur plus tard.

Là se collectionnent les journaux, les revues, les brochures, les mémoires, les bribes négligées et qui, au bout d’un certain temps, deviennent introuvables. Essayez de chercher telle gazette d’il y a seulement vingt ans ! La Bibliothèque Impériale ne l’a pas ou ne l’a qu’incomplète. Si vous persistez dans vos recherches, un libraire vous dira quelque jour qu’il n’en existe qu’un exemplaire complet chez M. Untel, qui l’a acheté numéro par numéro sur les quais pendant dix ans.

Aussi l’amateur des quais est-il nécessairement un littérateur qui connaît son avenir. Riez tant que vous voudrez, en lui voyant acheter des babioles dont vous ne voudriez pas pour rien, il se console en disant en lui-même : « Dans dix ans, dans vingt ans, tu viendras me les demander à genoux ; tu ne les auras pas ! »

C’est sur les quais que se forment les collections impossibles, que se ramassent les riens qui vaudront de l’or. Aussi, s’il ne faut à l’amateur ordinaire que de l’argent et du goût (et encore chez plus d’un d’entre eux le premier supplée le second), il faut à l’amateur des quais, généralement pauvre et sans crédit, outre une patience de fourmi, le génie d’un inventeur.

Venez donc sur les quais. Vous n’y rencontrerez ni M. de Rothschild, ni M. Solar, mais vous y verrez par bonne fortune Ph. B., qui, par amour de l’antithèse, encadre son visage de trente ans d’une chevelure de platine, collectionnant avec fureur les numéros épars des revues anglaises et américaines ; L..., le poète tragique, trottant comme un éléphant armé en guerre, les bras chargés de curiosités inconcevables ; C..., le peintre philosophe dont le cœur tressaille à la découverte d’un Enchiridion d’Épictète ; A..., l’adorateur du romantisme qui ramasse jusqu’aux débris des vers de Pétrus Borel et des vignettes de C. Nanteuil.

Que de passions ! que de folies ! hélas ! que je croyais innocentes. – Écoutez donc comment mon péché me fut révélé.

 

 

 

IV

 

 

AGONIE

 

 

J’étais rentré ce soir-là chez moi on ne peut plus mal disposé. Imaginez telles que vous voudrez des tribulations qui peuvent atteindre et blesser un homme de mon humeur et de ma profession. Un imprimeur avait tiré sans mon avis une feuille pleine de fautes ; le journal du soir m’avait montré mon dernier livre traîtreusement loué par un ami ironique ; ou tout autre malheur aussi grave.

Les éléments conspiraient ce soir-là contre moi avec les hommes. Une tempête de vent et de pluie faisait ruisseler mes vêtements. Je m’en revenais barbotant et marmottant, navré, énervé, dégouttant et dégoûté, une main sur mon chapeau pour l’empêcher de s’envoler, l’autre serrant mon pardessus sur ma poitrine. Jamais les douze coups de minuit ne sonnèrent d’une voix plus sinistre à l’horloge du palais des Quatre-Nations.

Rentré chez moi, je me dis, en mettant la tête sur l’oreiller : « EH BIEN, JE BOUQUINERAI DEMAIN ! » Et je m’endormis sur cette pensée consolatrice, qui me faisait entrevoir les quais éclairés d’une lumière douce et gaie, et les parapets émaillés de volumes de toutes couleurs.

L’ouragan grondait toujours ; l’averse fouettait de plus belle ; mais, à cette heure, étendu chaudement entre mes draps et avec une telle perspective pour mon réveil, je pouvais en toute sûreté répéter les vers de Lucrèce.

Fût-ce un rêve ? Je voudrais le croire ; mais comment le pourrais-je ? J’ai fait du rêve et de ses manifestations l’étude de toute ma vie, et je sais à n’en pouvoir douter que le rêve n’est ni allégorie, ni une fantasmagorie, mais un langage par correspondance signifiant les idées par leurs analogies naturelles et les faits matériels par leurs contraires. Si donc Dieu m’eût voulu punir de ma sensualité littéraire, de ma libricité, peut-être m’eût-il effrayé par l’image de l’enfer des voluptueux qui, suivant Swedenborg, sont plongés, les uns jusqu’à la ceinture, les autres jusqu’au menton, dans un lac fétide. Peut-être, s’il m’eût voulu convaincre de la vanité de mes plaisirs, m’eût-il représenté à moi-même comme on voit les Allemands, au fameux chapitre 2 des Allemands dans le monde spirituel, portant sous leur bras des livres, et répondant à quiconque les interroge sur leur foi, leurs idées, leurs conceptions philosophiques en feuilletant un volume pour les y trouver. Ils expient ainsi leur dévotion immodérée pour la chose imprimée. – Mais Dieu, à coup sûr, ne m’eût point soumis au supplice sans moralité et sans conclusion que j’endurai pendant plusieurs heures ; et surtout, il ne m’eût pas envoyé l’étrange vieillard que j’aperçus tout à coup debout dans un coin de ma chambre, et furetant avec des précautions de connaisseur dans les rayons de ma bibliothèque.

 

 

 

V

 

 

LE VENGEUR CÉLESTE

 

 

C’était un homme grand et sec, au visage anguleux et froid, – œil sournois, lèvres minces, – vêtu d’une redingote à collet d’un vert grisâtre, et coiffé d’un chapeau de forme élevée dont le bord, entièrement incliné vers le nez, attestait ou une politesse extrême, ou une habituelle dissimulation. De son long doigt, courbé en crochet, il attirait à lui chaque volume qu’il voulait voir ; il l’ouvrait, le retournait, et avec un sourire et de petites exclamations de dédain, le remettait en place.

D’un bond je fus auprès de lui ; je l’avais pris pour un voleur. Sous son regard, ma surprise et ma colère s’apaisèrent par enchantement ; j’aurais presque juré qu’il m’était connu. Où l’avais-je déjà vu ? quand ? était-ce la veille ? était-ce il y a vingt ans ? Je ne savais.

– Je vous ai vu quelque part ? lui dis-je.

– Parbleu ! partout, me répondit-il en haussant les épaules.

Il continuait son examen, toujours avec le même sourire, avec les mêmes hum ! hum ! poussés d’un ton blasé qui me déconcertait. J’avais machinalement commencé à m’habiller. Le jour gris et bas pouvait indiquer sept heures du matin, ou cinq heures du soir (nous étions dans l’équinoxe). D’où m’était venu le désir de m’aller promener avec cet étrange hôte ? Je ne saurais, je n’aurais pu le dire. Cette résolution m’était-elle soufflée, inspirée par lui ? Je serais tenté de le croire ; car à peine eus-je pris mon chapeau, qu’il tourna sur ses talons en sifflotant et prit de lui-même le chemin de la porte. Je le suivis.

Sans dire un mot, mais nous entendant parfaitement, nous descendîmes vers le quai.

 

 

 

VI

 

 

DESCENSUS AVERNI

 

 

Les bouquinistes étaient à leurs postes ; je les reconnus tous : les frères Gougy, avec leur tournure martiale sous la blouse ; Barbedor, la fleur des landes bretonnes ; Laisné avec son air paterne ; Malorey, dont j’ai vu grisonner les cheveux jadis d’un si beau roux ; Orly (subridens) le centenaire, affaissé sur sa chaise, etc.

Les premières boîtes que nous visitâmes ne contenaient rien que d’insignifiant : c’était des collections dépareillées de divers recueils, quelques exemplaires des classiques anglais de Baudry et de la librairie à un franc. J’allais passer outre, quand je me sentis arrêté par le bras de mon compagnon.

– Achète cela ! me dit-il en allongeant son doigt au milieu d’une case.

C’étaient les dix volumes de Paillot de Montabert sur la peinture. Je fis un haut le corps en me tournant vers mon acolyte.

Achète cela ! répéta-t-il d’un ton bref en me regardant entre les deux yeux.

Je ne sais comment j’eus en ce moment la révélation d’un pouvoir absolu, cruel, épouvantable. Je baissai la tête ; mes genoux fléchirent... et je payai.

Pourvu, disais-je en m’en allant courbé sous le faix, que je ne rencontre aucun de mes amis les bibliophiles ! Comment échapper au ridicule et justifier une acquisition aussi insensée ?

Mais le traître ne me laissa pas longtemps à mes méditations. Deux pas plus loin, nous étions arrêtés devant une autre case où, parmi bon nombre d’inutilités, se trouvaient du moins quelques bons livres, certains recueils de pièces, par exemple, d’une condition médiocre, mais qui n’étaient point déshonorants. J’avais même avisé déjà un exemplaire des Poésies chrétiennes de Godeau, quelque peu avarié et brûlé du soleil, à la vérité, mais qui conservait néanmoins quelque attrait de sa bonne typographie et de son frontispice gravé avec goût.

– Voyez, dis-je à mon farouche compagnon en prenant le ton câlin d’un esclave qui veut fléchir le maître ; voyez combien l’art récompense les moindres efforts vers le bien. Ce volume n’est point merveilleux sans doute ; mais sa justification est bien entendue ; et c’est un artiste certainement qui a dessiné et composé ce frontispice : n’y a-t-il pas un grand respect de la poésie dans ces soins donnés à l’œuvre d’un poète, après tout bien inférieur ?

Mais au lieu du signe d’approbation que j’attendais, ou tout au moins du sourire, je ne reçus qu’un ordre bref et impératif.

– Achète cela ! me dit le démon en posant le doigt sur l’Histoire de la Restauration, par Capefigue.

Je frémis.

– Eh quoi ! m’écriai-je éploré, acheter cela ; et pourquoi ? Et qu’en ferai-je, grand Dieu !

– Achète, répondit le démon ; et ceci encore.

– Quoi ! les Œuvres mêlées d’Aignan, de l’Académie française ?

– Achète ! et celui-là aussi...

– Oh ciel ! les Études littéraires de Léon Thiessé !

– Achète ; et ne raisonne pas.

Et les douze volumes de Capefigue, d’Aignan et de Léon Thiessé, s’ajoutant au dix de Paillot de Montabert, arrondirent mes deux bras dans la proportion d’environ cinq cents feuilles imprimées.

 

 

 

VII

 

 

PREMIER CERCLE

 

 

Je me sentais subjugué ; mais, en vrai Français, je discutais avec moi-même la tyrannie que je subissais. Évidemment, pensais-je en me souvenant d’un vers de Charles Baudelaire : « ce jeu féroce et ridicule » doit avoir une fin. Peut-être vais-je tout à l’heure recevoir le loyer de mon obéissance.

Et pour mieux gagner les bonnes grâces de mon juge, je me mis tout à coup à affecter les airs de la plus franche gaieté et à parler avec un complet détachement des sujets les plus variés. Après tout, cet être mystérieux, fût-il un démon ou un vampire, était certainement bibliophile ; son geste, son regard, son sourire étaient d’un connaisseur, et d’un connaisseur émérite. Il avait donc certainement une manie, un faible ; il ne s’agissait que de les trouver. J’essayai donc de l’éblouir en touchant le plus rapidement possible tous les points sensibles à l’épiderme d’un amateur. Le démon ne répondait guère, mais il m’écoutait. Et je vis avec une palpitation de joie défiler à notre gauche plusieurs cases inquiétantes, devant lesquelles il ne songea point à m’arrêter.

J’allais faire feu de toutes mes pièces en déroulant une théorie nouvelle de la bibliographie des incunables, lorsque le démon m’interrompit avec un rire atroce :

– Achète cela, me dit-il tout à coup, les dents serrées.

Ô douleur ! c’était le Serpent sous l’herbe, par Arsène Houssaye.

– Mon Dieu ! m’écriai-je en laissant tomber Capefigue et Léon Thiessé.

– Achète, reprit-il, c’est pour rien : cinquante centimes le volume, non coupé, avec hommage autographe de l’auteur. Tu n’auras pas tous les jours pareille fortune.

Le bouquiniste, visage inconnu, s’approcha de moi et me dit d’une voix mielleuse :

– Puisque monsieur fait collection des œuvres de M. Arsène Houssaye, j’ai là sous ma chaise les Onze Maîtresses délaissées, du même auteur, et Suzanne, et Fanny, et la Belle au bois dormant.

– Achète, me dit le démon ; achète la Belle au bois dormant, et Suzanne, et Fanny, et les Onze délaissées !

J’étais éperdu : j’ignore où je trouvai la force de porter ces nouvelles acquisitions. Le démon m’y aidait avec une adresse malicieuse, glissant les volumes sous mes bras et dans mes poches. De ce qui restait, il fit un petit paquet qu’il suspendit par une ficelle au bouton de derrière de mon habit. Dès ce moment-là, je résolus de me soumettre sans surprise ni murmure.

 

 

 

Charles ASSELINEAU, 1860.

 

 

 

 

 

 



1 Nous aurions pu citer des témoins plus récents, par exemple M. de Fontaine de Resbecq, qui trouva, il y a quatre ou cinq ans, sur les quais, et paya six sous, un charmant exemplaire du Pastissier françois, Elzévir 1655, qui atteint quelquefois jusqu’à cinq cents francs dans les ventes. (Voy. l’intéressant petit ouvrage intitulé Voyages littéraires sur les quais de Paris, Durand 1857, in-18).

2 Swedenborg, la Nouvelle Théologie.

 

 

 

 

 

 

 

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