L’étoile des bergers

 

 

Quand dans la froide nuit, au ciel

Dont les champs infinis s’azurent,

Passa l’étoile de Noël,

De pauvres bergers l’aperçurent.

 

Laissant là chèvres et moutons,

Prenant crosses et sacs de toile,

Ils dirent aussitôt : Partons !

Et suivirent l’errante étoile.

 

Les autres, amis du repos,

Les prudents et les économes,

Rirent, en gardant leurs troupeaux,

De la démence de ces hommes.

 

Quand ils revinrent, étonnés,

Contant, comme un fait véritable

Que l’astre les avait menés

Voir un enfant dans une étable,

 

Des voleurs avaient, à ces fous,

Pendant leur absence funeste,

Pris bien des brebis, et les loups

Dévoraient déjà tout le reste ;

 

Et l’on se moqua beaucoup d’eux :

« Garder son bien, voilà l’utile !

Pourquoi donc courir, hasardeux,

Après une étoile qui file ? »

 

Mais souffrir et n’avoir plus rien

Contentait ces humbles apôtres ;

Le peu qui leur restait de bien,

Ce fut pour le donner aux autres.

 

Fidèles au divin signal

Qu’ils avaient suivi sans rien dire,

Ils rendaient le bien pour le mal

Et pour outrage un sourire.

 

La nuit, près du fleuve, en secret,

Ils chantaient en chœur, sous les saules,

Et quand un agneau s’égarait,

Ils le portaient sur leurs épaules ;

 

Bons, ils pardonnaient au méchant

Et par un merveilleux mystère,

Ils absolvaient, en les touchant,

Tous les pécheurs de cette terre.

 

Et les autres bergers, pleins d’or,

Dont l’avarice méprisable

Creusait, pour y mettre un trésor,

Des trous dans la chaleur du sable,

 

Avaient des haines d’envieux

Pour ces pauvres de sainte mine

Qui gardaient au fond de leurs yeux

Un peu de l’étoile divine.

 

 

 

François COPPÉE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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