Un soir de Samarie

 

 

Lorsque Jésus quitta les bons Samaritains,

Ayant semé pendant trois jours à pleines mains,

À pleine âme le grain sacré des paraboles,

Arraché dans le champ des cœurs les herbes folles,

La nielle de l’envie et le gerzeau du mal,

Quand son geste eut béni la montagne et le val,

Et quand il ne fut plus, sous les palmiers antiques,

Qu’un blanc manteau parmi douze blanches tuniques,

Plus qu’un point, plus qu’un peu de poussière, puis rien,

Chaque Samaritain, docteur ou plébéien,

Sentit comme une ardeur en soi, surnaturelle,

Trouva le ciel plus bleu, la nature plus belle,

S’aperçut tout à coup qu’un charme obscur, secret,

Sur tous ses sentiments lentement, opérait,

Que quelque chose était entré dans Samarie,

Parfumant chaque seuil, déliant chaque vie,

Car sur tous les esprits avait soufflé l’Esprit.

Pour la première fois, le marchand fit crédit.

Sur le berceau d’osier que balançait sa femme,

Le père s’inclina dans un grand trouble d’âme.

Un soldat laissa fuir un voleur arrêté.

Un esclave endormi rêva de liberté.

Près du puits où Jésus avait dit sa prière,

Quand la nuit fut venue on vit de la lumière.

 

 

 

René FAUCHOIS, Délices des mourants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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