L’enterrement

 

 

 

Durant que je visitais la léproserie, la cloche a sonné. Lentement. Douloureusement. Le glas.

Le glas, on s’étonne de ne pas l’entendre sans arrêt dans la cité du malheur.

Ce matin, un lépreux a cessé de souffrir. Dans un instant, on le mettra en terre. On doit faire vite ici.

Dans son cercueil ouvert, il repose... Peut-être repose-t-il pour la première fois... Il a les yeux fermés, le visage très doux. On a mis à son cou un collier de fleurs, sur sa poitrine, une croix.

Deux bougies brûlent. Tout autour, les malades, silencieux, font cercle. Et chacun me sourit tristement quand je passe. Et chacun me tend la main pour les condoléances. Car ils sont tous « de la famille ». Ils sont toute la famille. Puisque sa famille n’est pas là.

Un lépreux, pensez donc ! Même mort, c’est un lépreux ! Et au fond de son cœur sordide, « on » a été bien soulagé d’apprendre la nouvelle. Un lépreux dans la famille, ça peut se savoir...

Il vaut mieux qu’il soit au cimetière. C’est tout de même plus facile à oublier.

 

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Oubliez-le : vous n’êtes dignes ni de sa souffrance, ni de sa mort.

Il n’a pas besoin de vous pour ce dernier sommeil. Ses amis sont là, qui ont apporté des fleurs.

Et les mamans blanches, les missionnaires qui l’ont soigné, aimé, et qui, à genoux sur la terre nue, prient très tendrement. Il n’a plus besoin de personne. Il est guéri.

Guéri, vous entendez. Tandis que vous, vous continuerez de pourrir dans votre sale égoïsme et dans vos lâchetés.

 

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Et parce qu’il est en Dieu, il sait maintenant où sont les vrais lépreux...

 

 

 

Raoul FOLLEREAU, Cinquante ans chez les lépreux,

Flammarion, 1978.

 

 

 

 

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