Autour d’un berceau

 

 

En ce jour où Jésus a dit à l’homme : « Espère ! »

Voici que vient, joyeux, leur sourire un enfant,

Et, dans l’alcôve tiède, auprès du lit, le père

Sur le frêle berceau se penche triomphant.

 

Combien il a tardé ce fils de leur tendresse !

Qu’il fut lent à fleurir le vert rameau d’hymen !

Tous deux ils l’ont connu, rêvant la même ivresse,

Ce supplice sans nom de l’éternel demain.

 

Car ils s’aimaient tous deux, et d’une ardeur profonde...

Que font les mois, les ans, si l’amour est vainqueur ?

C’est sur un dur granit que le bonheur se fonde :

De la fleur du désir sort mieux le fruit du cœur.

 

Et l’époux dont l’orgueil va de la mère à l’ange

Égrène, perle à perle, en le berçant, des vœux :

– « Sois, comme elle, dit-il, la grâce sans mélange,

Cueille un lis à son teint, prends l’or à ses cheveux ;

 

« Que ta bouche ait l’éclat de sa lèvre vermeille,

Qu’en toi son charme pur renaisse aussi fêté,

Et que, dans la fossette où maint lutin sommeille,

L’écho de son beau rire éveille la gaîté ! »

 

Elle alors se soulève ; et sa voix faible et tendre

Paraît un chant lointain que l’aube a soupiré :

– « Ressemble-lui plutôt... Oui, si tu veux m’entendre,

Prends la flamme, cher fils, à son œil inspiré.

 

« Que, pareil à son front, le tien un jour s’éclaire ;

Marche, d’un pied superbe, à côté des élus ;

Choisis pour but l’honneur, le laurier pour salaire :

Au ciel de ton pays mets un astre de plus ! »

 

Soudain dans les rideaux, sur l’oreiller, près d’elle,

Léger comme un frisson, doux comme le baiser,

Glisse à travers la soie un bruissement d’aile...

Ainsi du papillon quand il va se poser.

 

C’est le bleu messager, le Chérubin qui passe,

Il porte aux nouveau-nés leurs présents de Noël ;

Les souhaits des époux l’ont rejoint dans l’espace,

Il veut toucher l’enfant de son doigt immortel :

 

– « Des vœux que vous formez, père aimant, noble femme,

Un seul, murmure-t-il, vers Dieu n’est point monté ;

Moi, je l’ajoute en dot aux trésors de son âme :

Qu’il ait le joyau rare entre tous, la bonté ! »

 

 

 

Stéphen LIÉGEARD.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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