La lumière du foyer domestique

 

EMPRUNTÉ À UNE PARABOLE DE KRUMMACHER.

 

 

Bon pèlerin, bon pèlerin,

Le jour baisse, reprends courage,

Ne t’écarte pas du chemin,

Près de terminer ton voyage.

 

Tu brûles déjà de revoir

La chaumière où tu pris naissance,

Le banc où tu venais t’asseoir

Pour y méditer en silence.

 

Tu te crois assis au foyer,

Entre ta mère et ton vieux père ;

Qu’ils seront heureux d’essuyer

Ton front tout couvert de poussière !

 

Mais hélas ! la nuit le surprit,

À peine au bas de la montagne...

Le pèlerin s’arrête et dit :

« On n’y voit plus dans la campagne. »

 

Il craint d’errer jusqu’au matin,

Quoique bien près de sa chaumière...

Mais non, il voit dans le lointain

Une vacillante lumière.

 

Il s’achemine tout joyeux

Et poursuit à travers la plaine

Le rayon qui luit à ses yeux,

Et qui doit le tirer de peine.

 

Savez-vous ce qui l’attirait,

Ce qui ranimait son courage ?...

Hélas ! c’était un feu follet

Voltigeant sur un marécage.

 

« Arrête, lui crie une voix,

« Ou bien tu vas être victime ;

« Cette lumière que tu vois

« T’entraînerait dans un abîme.

 

« – Qui me parle ? – C’est un pêcheur

« Tout près de toi dans sa nacelle,

« Qui voudrait te tirer d’erreur,

« Te sauver d’une mort cruelle...

 

« – Toi qui veux arrêter mes pas,

« Crois-tu ma prudence endormie ?

« La lueur que je vois là-bas

« Doit être une lueur amie.

 

« – Ce rayon qui peut t’égarer

« Attends, et tu vas le connaître...

« Il est déjà près d’expirer

« Sur le marais qui l’a fait naître. »

 

Notre pèlerin interdit

Se recueille et commence à craindre ;

Comme le pêcheur l’avait dit,

Il voit le feu follet s’éteindre.

 

« – Merci, bon pêcheur, grand merci !

« Sans toi j’aurais péri sans doute...

« Mais je ne puis rester ici...

« Qui me remettra sur ma route ?

 

« – Moi-même, car c’est un devoir

« Que l’on doit remplir avec joie...

« Aussi combien j’en vais avoir

« De te remettre sur ta voie !

 

« – Tous deux rendons grâces à Dieu

« – De sa bonté c’est une marque –,

« Toi de me trouver en ce lieu,

« Moi de t’avoir vu de ma barque. »

 

Le pêcheur le prend par la main,

Le conduit avec complaisance

Et le remet dans le chemin

Qu’il doit suivre avec confiance...

 

Est-ce encore une erreur ?... il croit

Ces beaux arbres les reconnaître,

Et cette autre clarté qu’il voit

Doit venir de son toit champêtre.

 

Non, non, il ne se trompait pas,

Et ses craintes s’évanouissent,

Il arrive, il est dans les bras

De ses parents qui le chérissent.

 

 

 

MAGU, Poésies de Magu, tisserand, 1846.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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