L’épi du rouge-gorge

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Xavier MARMIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AU pied d’une chaîne de rocs d’où tombe un bruyant ruisseau sur un sol aride, de patients bénédictins ont bâti leur cabane couverte de fougère, et là ils chantent au lever de l’aurore l’Ave maris Stella.

Des régions du Midi ils sont venus dans celte vallée déserte du Finistère sans argent, sans armes, confiant en la puissance de la prière. Dans le vallon silencieux, ils ont construit une chapelle et y ont suspendu une cloche harmonieuse. Là, avec leur espoir en Dieu, ils attendent le jour où, de contrée en contrée, la bonne nouvelle de l’Évangile se répandra comme une eau bienfaisante.

Non loin d’eux est un cercle de dolmens où les druides célèbrent leurs fêtes barbares.

Les bons bénédictins, en continuant leurs prières, dessèchent un terrain marécageux, défrichent un champ couvert de bruyères et avec une grossière charrue y tracent des sillons. Mais la semence leur manque. Ils n’ont point pensé à l’apporter de leur lointain pays, et les Celtes qui les entourent ne cultivent point de blé.

« Dieu nous aidera », dit le prieur.

Et au moment où il prononçait ces mots on aperçoit un rouge-gorge perché sur une croix. À son bec se balançait un épi de blé.

Les religieux recueillirent avec soin les grains de cet épi providentiel et les firent fructifier.

De l’humble tige apportée par le rouge-gorge proviennent les magnifiques récoltes des vastes champs où jadis on ne voyait que des genêts et des bruyères.

De la petite communauté de bénédictins proviennent les couvents, les églises de cette région de Bretagne.

 

 

 

Xavier MARMIER,

Contes populaires de différents pays,

1880.

 

 

 

 

 

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