Pilate

 

 

« Non, cet homme n’est pas l’ambitieux sectaire

« Que m’avait dénoncé Caïphe. Il porte en lui

« Je ne sais quoi de grand qui rayonne et qui luit

« En auréole autour de son visage austère.

« Moi-même, j’ai voulu l’interroger trois fois :

« Il répondait les bras liés sur la poitrine.

« Je n’ai rien relevé d’impur en sa doctrine,

« Ni dans ses actes rien qui soit contraire aux lois.

« Pendant qu’il me parlait de sa voix grave et lente,

« Il me semblait qu’un voile obscur se déchirait

« Et que la salle du prétoire s’éclairait

« Autour de lui d’une lumière étincelante.

« Cet homme est innocent. Mais il a contre lui

« Les prêtres qu’il cinglait de sa parole rude

« Et ce peuple abruti, mûr pour la servitude,

« Que quelque dieu sans doute à sa perte conduit.

« J’ai fait ce que j’ai pu pour le sauver. La meute

« Aboie et veut du sang. Que faire ?... Barrabas !

« Ils veulent Barrabas. Je ne puis pourtant pas,

« Pour cet homme, encourir les risques d’une émeute.

« J’ai la garde avant tout des intérêts romains.

« Mon devoir est tracé par les ordres du prince ;

« Maintenir à tout prix la paix de la province.

«... Qu’on leur livre Jésus ! Je m’en lave les mains ! »

 

Il se fit apporter un vaste d’eau lustrale.

« Que retombe sur vous la mort de l’innocent ! »

Dit-il. Mais tout à coup Pilate devint pâle

Et recula. Ses doigts étaient rouges de sang.

 

 

 

Armand MASSON.

 

Recueilli dans Répertoire poétique,

poésies et monologues recueillis

par Camélienne Séguin,

Montréal, 1937.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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