Notre-Dame des Potiers

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Adolphe ORAIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On rencontre dans la commune de Chartres, près Rennes, une petite chapelle située dans la campagne, au sud et à quelque distance du bourg. Elle renferme une statue de la Vierge appelée Notre-Dame des Potiers.

À l’époque où l’on confectionnait, dans cette paroisse, des poteries artistiques, que les archéologues se disputent aujourd’hui, on attribuait à la statue de Notre-Dame des Potiers le pouvoir de préserver les fabriques du feu. Jamais, assure-t-on encore, aucune d’elles ne fut incendiée.

La Vierge des Potiers apparut un soir, la veille de Noël, sous la forme d’une belle dame, à un potier conduisant ses marchandises à Châteaugiron.

Ce dernier, devenu riche, avait oublié son origine misérable. Il était dur envers ses ouvriers, s’enivrait fréquemment, et blasphémait à tout propos le saint nom de Dieu.

– Où allez-vous ainsi ? lui demanda la Vierge.

– À Châteaugiron, vendre mes produits.

– Êtes-vous bien certain d’y arriver ?

– Que t’importe ? lui répondit-il malhonnêtement, passe ton chemin, je n’ai pas besoin de tes services. Et il blasphéma de nouveau le nom de Dieu.

Il arrivait à ce moment au pont de l’Épront, sur la rivière la Seiche, profonde en cet endroit, et qui coule sur un lit de limon et de vase. Le cheval, effrayé par les cris de son maître et le bruit de l’eau frappant sur les arches du vieux pont romain, fit un écart et tomba dans la rivière, entraînant, dans sa chute, chariot et conducteur.

Tous les efforts de celui-ci pour sortir de la rivière furent inutiles. Ses cris et ses appels ne furent pas entendus des paysans qui se rendaient à la messe de minuit.

Le malheureux crut sa dernière heure arrivée et, entendant dans le lointain les cloches de l’église, il se rappela sa mère, son enfance, puis la puissance si grande de la Vierge des potiers. Il invoqua celle-ci du plus profond de son cœur, se repentit de ses péchés, jura de se corriger et fit vœu, s’il échappait à la mort, d’élever à Chartres une chapelle à la Vierge.

Ô miracle ! son appel est entendu, la foudre éclate, le tonnerre tombe sur la rive droite de la Seiche, en détache un lambeau qui roule dans l’eau, formant une chaussée solide qui permet au cheval de remonter sur la route.

Le potier changea de conduite et, fidèle à sa promesse, fit édifier une chapelle qui est tombée en ruine vers 1817. Elle a été remplacée par le petit édicule dont il est question au commencement de cette légende, construit près d’une mare qui occupe la place de l’antique sanctuaire.

 

 

 

Adolphe ORAIN, Contes du pays Gallo, 1904.

 

(Conté par M. Châtel,

fabricant de chaux à la Chaussairie,

commune de Chartres.)