Sainte Iria

 

 

DONA Iria se trouvait assise dans une salle, brodant avec l’aiguille d’or et avec son dé d’argent ; frappa à la porte un cavalier qui lui demandait un abri. Dona Iria lui répondit, toute triste et contrariée, que sa maison n’était pas hôtellerie ouverte à tous, que l’hospitalité sa mère pouvait seule la lui donner. Alors qu’il entendit cela, il resta fort désappointé et piquant son cheval des deux, en arrière il s’en retourna. Elle, ayant pitié de lui, le regardait de son balcon. Elle s’en fut trouver sa mère, lui demandant de l’accueillir. Le cavalier s’en revint donc avec tous ses mauvais desseins. Elle lui fit dresser la table, il mangea de grand appétit. Elle lui fit préparer un lit afin qu’il se pût reposer. Elle dormit d’un lourd sommeil, mais pour lui il ne dormait pas et avec ce pesant sommeil, moitié de nuit était passée et lui qui restait éveillé sauta en bas de son lit. Déjà son cheval est sellé ; un clair de lune blanchissait ; à la chambre de dona Iria il courut plus qu’il ne marcha, et peu de temps s’était passé qu’avec elle il chevauchait, emportant la pauvre jeune fille entre ses bras évanouie. Un long chemin parcouru, ni l’un ni l’autre ne parlait, la damoiselle dans ses bras pleurait amèrement. Alors que l’on eut fait sept lieues, voilà qu’il la requit d’amour, mais ses sanglots étaient les mots avec lesquels elle répondait. Le cavalier avec douceur lui adressait ces paroles.

– Comment vous nommez-vous, damoiselle, comment vous nommez-vous, mon âme ?

– Lorsque j’étais dans mon pays, j’étais Iria, la noble fille, mais à présent dans ces montagnes, je suis Iria la malheureuse.

Alors qu’il entendit cela, il devint comme un furieux, il voulut par force obtenir ce que n’obtenait la parole. Mais la vierge était chère au ciel et par le ciel fut protégée, avec la dague qu’il avait, aussitôt il l’assassina. Il creusa là même une fosse dans laquelle il l’ensevelit avec tant de hâte que les cheveux il les laissa hors de la fosse. Là s’éleva une chapelle que tout le monde admirait, avec des lettres qui disaient : Sainte Iria la noble fille.

Au bout de sept longues années, un cavalier qui passait, voyant cette belle chapelle, à un pâtre ainsi s’adressait :

– Dis-moi, berger de la montagne, ô petit berger de mon âme, ce que c’est que cette chapelle, que je vois là si bien construite ?

– C’est celle de sainte Iria la noble fille, qui par la main d’un cavalier fut ici même égorgée et la chapelle s’éleva sans que personne y travailla.

Le chevalier oyant cela s’agenouilla incontinent.

– Ma belle sainte Iria, ô sainte Iria de mon âme, pardonnez-moi l’affreuse mort que vous a donnée cette épée, que brisée ici elle reste à tout jamais ensevelie, je serai pèlerin pour vous et ferai long pèlerinage.

– Ô chevalier, relève-toi, mais ni pour ta dague cruelle, ni pour ton âme dans ce monde il ne peut y avoir pardon. Ton âme n’appartient au ciel, par le ciel elle est condamnée.

De là s’en fut le cavalier pour entreprendre un long voyage. Arrivant aux portes de Rome, il vit la sainte égorgée.

– Retourne, retourne, cavalier, ton âme a reçu le pardon.

 

 

 

Théodore Boudet, comte de PUYMAIGRE,

Choix de vieux chants portugais,

traduits et annotés par

le comte de Puymaigre,

1881.

 

 

 

 

 

 

 

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