Joansinho

 

 

JOANSINHO s’en fut jouer par une nuit de Noël, il gagna cent doubles d’or marqués ou à marquer. Il tua un père à l’autel et pendant qu’il disait la messe. Il mit à mal sept damoiselles, toutes étaient à marier. Il s’empara de sept châteaux qui tous appartenaient au roi. Quand son père sut tout cela, il voulut le faire mourir. Sa mère dans l’affliction aussitôt se mit à pleurer :

– Non, ne tuez pas notre fils qui nous a coûté tant de soins ; qu’il s’en aille en terre étrangère et loin de son pays natal.

S’en allant en terres lointaines, il se mit à questionner : – Où donc ici trouver du pain, qu’un pauvre homme puisse acheter ?

– Il n’est dans ce pays ni pain, ni boulanger qui le pétrisse.

Et s’en allant un peu plus loin, il se mit à questionner :

– Où donc ici trouver du vin, qu’un pauvre homme puisse acheter ?

– Ici nous n’avons pas de vin, on ne cultive pas la vigne.

Et s’en allant un peu plus loin, il se mit à questionner :

– Où donc ici trouver de l’eau, qu’un pauvre homme puisse acheter ?

– Dans ce pays, il n’est point d’eau ; Dieu n’a voulu nous en donner.

Et s’en allant un peu plus loin, il se mit à questionner :

– Où donc ici trouver de l’herbe qu’un pauvre homme puisse acheter ?

– Dans ce pays il n’est point d’herbe ; on n’a l’usage d’en semer.

Alors telle fut sa douleur, qu’il devint tout à coup un saint.

 

 

 

Théodore Boudet, comte de PUYMAIGRE,

Choix de vieux chants portugais,

traduits et annotés par

le comte de Puymaigre,

1881.

 

 

 

 

 

 

 

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