Visions de Jean Tennhardt,

de Nuremberg, et extraits

de divers mystiques allemands

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copie

d’une lettre écrite par Jean Tennhardt

au Magistrat de Strasbourg.

 

La Charité, la Grâce et la Paix de Dieu soit avec nous tous. Amen.

Je suis, mes bien-aimés, engagé à vous écrire ceci par les écrits qui m’ont été à moi indigne dictés par la sapience éternelle, lesquels je vous envoie par l’ordre exprès de Dieu pour les lire dans votre assemblée, afin de peser dans votre cœur et considérer soigneusement ce que Dieu exige de nous dans ces derniers temps si tant est que nous ne voulions pas perdre éternellement notre souverain bien, l’Évangile éternel de grâce que moi indigne j’annonce en langue étrangère à toutes les nations et à tous les peuples. Ainsi je vous prie affectueusement de recevoir ces écrits envoyés de Dieu et à moi dictés comme de véritables paroles de Dieu, de les lire ou de les écouter attentivement pour l’amour de Dieu et pour le profit de vos âmes, de changer de vie, d’accomplir la volonté de Dieu. Ce sont des merveilles inouïes et des voix de la vérité divine des sept tonnerres, dans lesquels St Jean les avait entendues en son temps, mais qu’il n’avait osé écrire parce que le temps fixé à l’Antéchrist n’était pas expiré et que les hommes aimaient mieux, comme il arrive encore aujourd’hui, les ténèbres de la vie de l’Antéchrist que la vie spirituellement pauvre de J. C. Aussi fallait-il que l’Esprit de Christ, qui était venu pour enseigner les hommes et pour les illuminer cédât, à la nuit prédite par le Seigneur et qui venait les envelopper pendant laquelle aucun ne pourrait opérer ni croire.

C’est dans cet égarement que vivaient et marchaient les hommes pendant quinze cents ans dans l’obscurité sous le pouvoir et la puissance de l’Antéchrist, s’imaginant avoir la véritable foi par un culte extérieur qu’ils rendaient à Dieu et que par là ils ne pouvaient pas manquer de faire leur salut, au lieu qu’à présent, lorsqu’on vient à considérer la chose à la lumière de la grâce, l’on trouve véritablement que dans toutes les Religions ils ont été trompés par l’artificieux ennemi au moyen d’une apparence extérieure et épouvantablement et misérablement déçus par le trafic des moines chacun selon son rang. Dieu veuille avoir pitié de toutes les âmes, amen.

Sus donc, mes bien-aimés, rendez gloire à Dieu et le craignez car l’heure de son jugement est arrivée pour ces mauvais chrétiens sujets de l’Antéchrist. Ils recevront la récompense qu’ils ont méritée. Sus, sus, transgresseurs, rentrez dans vos cœurs et priez en Esprit et en vérité celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines des eaux, qui mérite seul d’être adoré et dont le nom mérite d’être magnifié dans nos âmes. Amen !

Le Dieu de paix vous bénisse vous et les vôtres et illumine vos cœurs pour voir l’horrible décadence et le désordre où l’Ennemi de J. C. a plongé toutes les Religions. Amen.

Je demeure, mes bien-aimés, pour vous servir en charité tant que je porterai le nom de Jean Tennhardt, bourgeois de Nuremberg.

Écrit poussé par l’Esprit de Dieu au mois d’août de l’année 1710, lorsque l’ordre de Dieu fut manifesté.

 

 

Sur le revers de la page est écrit d’une autre main : Ainsi, dit le Seigneur Zebaoth, si dorénavant vous m’êtes obéissants et si vous changez de sentiments suivant ma volonté, si vous divulguez ces écrits au dedans et au dehors de la ville après les avoir fait imprimer, vous serez bénits. Sinon, mon jugement part et la malédiction qui est page 429 vous atteindra, voilà ce que je vous laisse en dernier lieu.

 

 

L’original allemand plié en forme de lettre missive a pour adresse en la même langue à peu près :

 

Aux très nobles, les Docteurs, Consuls et Conseillers de la ville de Strasbourg.

À Strasbourg.

 

 

Il a écrit au Roy, à Monseigneur et assemblée de Strasbourg dans le même style et à peu près dans les mêmes termes.

 

 

 

 

 

 

 

Extrait

d’un livre allemand

de Jean Tennhardt.

 

 

Le dessein de l’auteur de cet ouvrage est de montrer par quelles voies Dieu l’a conduit à la vie intérieure et de porter par son exemple tout le monde à la pénitence, au détachement de toutes les créatures et à se laisser conduire par le verbe divin.

Dans la préface que notre auteur prétend avoir reçue immédiatement de J. C., il proteste qu’il n’a point entrepris cet ouvrage pour s’attirer les louanges des hommes, que ceux qui lui en donneront commettront un vrai larcin en dérobant à Dieu la Gloire qui lui est due pour la donner à la créature.

Le commencement du livre jusqu’à la page 144 ne contient que trois ou quatre choses qui méritent d’être remarquées :

 

1o Des visions et songes mystérieux.

2o Les peines intérieures et les remords de conscience que l’auteur a eus sur divers sujets.

3o Les combats qu’il a eu à soutenir contre les vices et les mauvaises inclinations.

4o Les sentiments qu’il a touchant l’Église et quelques points de la Religion chrétienne.

 

Notre auteur commence son ouvrage par rendre grâces à Dieu de ce qu’il ne peut pas se vanter d’être d’une grande extraction. Il eut pour père un villageois nommé Jean Tennhardt. Il naquit en 1661, le 2e de Juin, dans un petit village de la Saxe situé entre haut Meltzer et Pegau. On lui donna à son Baptême le nom de Jean. Il apprit d’abord à lire et à écrire en allemand, ensuite ses parents ayant remarqué qu’il avait beaucoup de facilité pour les études, ils voulurent qu’il s’appliquât au latin dans le dessein d’en faire un jour un Ministre ; mais Jean, voyant qu’il ne profitait pas dans ces études, aima mieux apprendre le métier de barbier et de perruquier. Ce fut en ce temps-là que Dieu lui sauva trois ou quatre fois la vie par une espèce de miracle. À l’âge des neuf à dix ans il commença à avoir des visions qui furent dans la suite si fréquentes qu’il devint bientôt le plus grand visionnaire qu’il n’y eut jamais. Je n’en rapporterai que quelques-unes par lesquelles on pourra juger des autres.

Un jour voyant en songe une femme de sa connaissance condamnée aux peines éternelles de l’Enfer, l’envie le prit de prier pour elle, mais comme il apprit que s’il le faisait, il serait mis à sa place, l’amour propre, à ce qu’il dit, l’empêcha de le faire.

Dans une autre vision, il demanda à J. C. d’être mis au nombre des élus. Notre Seigneur le lui promit, mais comme il ne se tenait point assuré de sa parole, il le pria de lui donner la main. Là-dessus J. C. la lui tendit, mais quelque effort que notre auteur fît, il n’y put jamais atteindre et n’attrapa qu’un des bouts des doigts de N. S.

Si l’on en croit notre visionnaire, il n’y a presque plus de véritables fidèles ; il a douté longtemps s’il avait la véritable foi lui-même. Ce qui le mit dans cette inquiétude, ce fut le chapitre 16e de St Marc, où J. C. dit à ses apôtres : Signa autem eorum qui crediderunt. C’est ici qu’il blâme fortement l’interprétation que l’on donne ordinairement à des paroles de J. C.

Notre auteur eut un grand remords de conscience à l’occasion d’un vol commis pendant sa jeunesse. Voici comme il raisonnait là depuis. L’on doit être regardé comme un voleur quand on a dérobé de quoi acheter une corde pour être pendu. Or, disait-il, j’ai dérobé après pour en acheter huit. Je suis donc huit fois voleur. Ce raisonnement qui lui paraissait une démonstration le jeta dans un étrange embarras. Comme il était fort éloigné de l’endroit où il avait fait ce vol qui ne consistait que dans quatre ou cinq sols, il ne savait comment s’y prendre pour en faire la restitution. Voici le moyen dont il s’avisa. Il quitta le pays où il était pour aller trouver la personne à qui il avait dérobé cette somme. L’ayant trouvé il le pria de lui permettre de lui raccommoder une vieille perruque qu’il avait ; ayant enfin obtenu avec peine cette permission, il acheta pour cinq sols de cheveux qu’il mit à cette perruque et tout à coup son scrupule le quitta. Mais bientôt après il en eut un autre qui lui fit beaucoup plus de peine. Voici comme il en parle.

L’an 1704 j’eus une grande inquiétude touchant ma perruque, ma conscience me reprochait que je ne la portais que par vanité. D’ailleurs j’avais lu dans l’Écriture Sainte la défense que le St Esprit fait aux hommes de prier, d’enseigner et de prophétiser la tête couverte et qu’en le faisant on déshonorait son Dieu et son Créateur. Il me parut donc un crime effroyable qu’une créature osât déshonorer son Créateur pour contenter sa vanité, ou pour avoir ses commodités. Cette pensée m’inquiétait jour et nuit. Le combat fut fort rude sans en pouvoir remporter la victoire, quoique je susse bien que sans les surmonter on n’avait point de couronne à espérer. Le malin esprit me disait continuellement ces paroles : Si tu quittes ta perruque, tout le monde te prendra pour un fou, les petits enfants courront après toi dans les rues ; d’ailleurs, comme tu es perruquier, si tu ne portes de perruque, toute la ville parlera de toi. Outre cela tu es sujet à plusieurs incommodités, ta tête est faible, tu auras des fluxions et des maux de tête ; Dieu ne regarde pas l’extérieur, mais le cœur. Ton métier est de faire des perruques, tu n’es pas obligé d’en aller acheter ailleurs. En tout cas cette Loi ne te regarde pas, elle n’est que pour les docteurs et prédicateurs. Quand tu pries Dieu, tu peux ôter ta perruque.

C’était par ces pensées et par d’autres semblables que le serpent infernal cherchait à me séduire ; car quand il ne peut pas faire tomber les hommes dans des fautes considérables, il tâche de les perdre et de les éloigner de Dieu en leur faisant commettre de moindres péchés. L’Esprit de Dieu au contraire ne me parlait que d’abnégation et de renoncement à soi-même et à toutes les commodités suivant la doctrine de J. C. : Qui veut être mon disciple, qu’il renonce à soi-même, qu’il prenne sa croix (les maux de tête et les fluxions en sont une bien grande) et qu’il me suive, car qui veut conserver sa vie en prenant ses aises et ses commodités contre ma volonté la perdra, car personne ne peut être mon disciple s’il ne renonce à soi-même pour me suivre ; qui m’aime garde mes commandements, qui a mes commandements et les garde, celui-là m’aime et je l’aimerai et me ferai connaître à lui, mais si tu veux ressembler au monde, tu ne pourras point me voir ni recevoir mon Esprit. C’est pourquoi change de dessein et de coutume, commence à renoncer à toi-même et ne te mets pas en peine de passer pour fou, ne vaut-il pas mieux de passer pour fou ne l’étant pas que d’être un jour obligé d’avouer de l’être, penses y bien. Il viendra un jour que ceux qui te regardent comme un fol seront obligés de confesser et de dire : Nous avons été des insensés et nous nous sommes fourvoyés et le Soleil de justice ne nous a point lui. À quel point de gloire et de splendeur voyons-nous à présent élevé celui que nous regardions autrefois comme un fou ? Malheur à nous, nous nous sommes écartés du droit chemin, nous avons marché par des sentiers difficiles et détournés et les voies du Seigneur nous ont été inconnues. Quel profit nous revient-il maintenant de notre vanité ? À quoi nous servent nos richesses et notre orgueil ? Tout est passé pour nous.

Voilà ce que l’esprit de J. C. m’inspirait. Cependant je ne pus rien gagner sur moi ni me délivrer de mon inquiétude. Enfin j’allai chercher conseil auprès d’un ministre luthérien qui me dit que ce précepte de St Paul ne nous regardait point, mais les seuls Corinthiens. Mais Dieu m’ayant fait connaître que cet homme était dans les ténèbres, un sentiment aussi charnel ne fit point d’impression sur moi, car voici comme je raisonnais : Si ce précepte ne nous regarde pas, toute cette épître ne nous regarde pas non plus. Si cette épître ne nous regarde pas, les autres ne doivent point nous regarder.

J’allai donc trouver un prêtre catholique et comme les prêtres ce cette Religion ne portent point de perruques, je crus que celui-ci me donnerait un bon moyen pour me délivrer de mon inquiétude, mais je ne lui trouvai pas plus de lumière qu’au premier. Rien ne fut capable de me guérir ; ma peine allait toujours en augmentant. Je commençai donc à friser mes cheveux afin que l’on s’imaginât que je ne l’avais quittée qu’à cause de mes beaux cheveux. Je la quittai donc, cette perruque, pour l’amour de Dieu, parce qu’il est écrit en termes formels dans la première aux Corinthiens : Soyez mes imitateurs comme je l’ai été de J. C., mais sachez que J. C. est le Chef de chaque homme et Dieu le Chef de J. C. Tout homme qui prie ou prophétise ayant quelque chose sur la tête déshonore son Chef, c’est à dire son Dieu et son Sauveur, car l’homme ne doit point couvrir sa tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu. Par cette désobéissance, l’homme ne pèche pas seulement contre Dieu, mais il déshonore encore celui qui seul peut le sauver et, qui plus est, un tel homme est abominable aux yeux de Dieu, car il est écrit : L’homme qui porte habit de femme sera en abomination devant Dieu. À combien plus forte raison celui-là est-il en abomination qui se couvre de la coiffure d’une femme, car la femme doit se couvrir d’un bonnet et de sa chevelure qui lui a été donnée pour cette fin. Mais à présent le Diable a renversé tout l’ordre établi par l’Auteur de la nature. Il a tellement renversé et aveuglé les hommes qu’ils ne peuvent plus ni voir ni entendre. De là vient que les commandements de Dieu sont tombés dans un tel mépris que personne ne s’efforce plus de les garder, comme il est arrivé à l’égard de ce commandement de ne point se couvrir, car avant que les Ministres eussent pris la perruque, on déclamait sans cesse du haut de la chaire contre cette maudite coutume, on la traitait de péché énorme, c’était un crime de lèse-Majesté divine, mais aujourd’hui que le Diable a introduit cette coutume parmi les Ministres même, non seulement ils sont devenus muets, mais encore ils soutiennent que ce n’est point un péché et que ce commandement n’est pas pour nous.

Les vices que notre auteur a eu à combattre avant que d’arriver à la perfection sont principalement l’orgueil, l’avarice, la paresse, l’inconstance dans les bonnes résolutions, mais entre autres, il y eut un vice qu’il ne nomma point qui lui fit la plus grande peine. Dieu, cependant, par les Croix, les afflictions et par la mort des personnes qui lui étaient les plus chères, et surtout par ses fréquentes révélations, le détacha enfin de toutes les créatures et le délivra de la tyrannie des passions.

Pour ce qui regarde ses sentiments à l’égard de l’Église, voici comme il en parle : Je vis dans un songe l’Église renversée de fond en comble. Deux habiles architectes consultaient ensemble comment il fallait faire pour la relever. Leurs sentiments étant partagés, ils abandonnèrent l’entreprise. Comme je ne me connaissais point en bâtiments (dit l’auteur), je m’en allai aussi sans y mettre la main.

Il ne faut point baptiser les enfants qu’à l’âge de douze ans. Le ministre du baptême qui n’a pas le St Esprit ne donne que le diable à ceux qu’il baptise.

Voici comme il parle de l’Eucharistie : Si je puis recevoir J. C. sans le pain, je puis aussi le recevoir avec du pain.

Il n’est nullement des sentiments des luthériens au sujet des bonnes œuvres. Il dit que sans elles la foi est morte. Il blâme fort ceux qui disent que les commandements de Dieu sont impossibles. Il déclame fort contre ceux qui s’attachent à la parole écrite. Il veut qu’on écoute uniquement le verbe divin qui parle au-dedans de nous.

Ici finit la première partie de l’histoire de sa vie.

L’auteur continue dans cette partie à déplorer la perte de ceux qui n’entrent pas dans la vie intérieure, faute de quoi entre 6 000 000 il n’y en aura pas deux qui se sauveront. Pag. 146 et plus bas, tous sont devenus des antéchrists, sans parler de celui de Rome ou de ceux de l’Église romaine, qui le sont moins que ceux de Nuremberg et les autres Catholiques. Pag. 240.

L’auteur paraît plus extravagant dans cette partie que dans les autres, se faisant le fils bien-aimé de Dieu, en qui Dieu a mis toute sa complaisance. Il s’appelle la force et l’aide de Dieu et son bras.

Il se dit l’Époux de la sagesse de Dieu. Pag. 177.

Il annonce aux Juifs que Dieu leur a envoyé le messie désiré. Pag. 187.

Et après avoir traité de Diable tout ce qui n’est pas de son sentiment, après avoir maudit la confession auriculaire comme une idolâtrie et une amorce du péché. Pag. 203.

Il se jette impitoyablement sur l’usage des perruques qu’il traite d’abomination sous quelque prétexte qu’on les porte. Pag. 206, 207, etc.

De là il se prend à ceux qui se laissent appeler Maîtres, Pères, révérences, etc., et les traite de faux prophètes, pag. 219, etc.

Il décrit au long les tromperies prétendues des ecclésiastiques, ce qui regarde surtout les Ministres protestants.

Ensuite, il prouve par des raisons que la véritable foi s’est éteinte il y a plus de 1400 à 1500 ans :

1o Parce qu’il n’y a plus de miracles et se moque de cette raison qu’ils ne sont plus nécessaires.

2o Parce qu’il n’y a plus de charité, la foi n’étant pas où la charité manque. Pag. 223.

Le Baptême et les œuvres extérieures ne sont pas la marque et le signe de la foi, mais les miracles. Pag. 224. Et par cette raison il n’y a plus de foi.

Le Baptême dont parle le Sauveur est un baptême d’Esprit :  Qui crediderit et baptisatus fuerit (pag. 232). Les apôtres étaient incrédules jusqu’à la descente du St Esprit.

Le Baptême des petits enfants est une mauvaise coutume. On ne peut pas démontrer que dans le premier siècle on ait baptisé un seul enfant. L’Écriture n’en parle point du tout. Pag. 232.

Enfin, l’auteur prouve fort au long que la seule parole intérieure de Dieu peut sauver, par les témoignages de presque tous les Pères de l’Église. Depuis la page 244 jusqu’à la fin de cette partie.

 

 

 

 

 

 

 

Extrait

par ordre de Dieu

des œuvres du Docteur

Jean Tauler

 

 

Dans le dessein de procurer l’avantage et le salut des hommes. Ils apprendront :

1o De quelle manière ils doivent se tenir en la présence de Dieu.

2o Comment ils doivent produire le Verbe ou J. C. dans leur cœur s’ils veulent sérieusement leur salut.

3o De quelle manière on peut parvenir jusqu’à entendre la parole de Dieu par la pratique de la prière, de la foi, de la charité, de l’obéissance et de l’humilité chrétienne.

Dans sa préface, l’auteur de cet extrait avertit d’abord le lecteur de ne se point contenter de lire son livre négligemment et de temps en temps, qu’il faut se retirer pendant quelque temps du tumulte des affaires et joindre à la lecture le jeûne, la prière et les larmes de la pénitence, qu’au reste ç’a été de tout temps que la vérité ne s’était fait connaître qu’au petit nombre et qu’ainsi l’on ne doit pas s’étonner de tout ce que pourraient opposer à sa doctrine des gens qui ne peuvent l’attaquer que par des paroles.

Après cet avertissement, l’auteur dit que c’est par ordre de Dieu même qu’il a fait son Extrait des sermons et des autres ouvrages de Tauler et qu’en cela il n’a agi que par le pur motif de la charité chrétienne envers cette multitude incrédule dont le monde est aujourd’hui rempli et qui s’imagine faussement que le salut consiste dans des pratiques extérieures de piété, mais ce grand Dieu du ciel et de la terre, dit-il, dont j’ai entendu si longtemps la voix, tout indigne et tout misérable que je suis, m’a enseigné d’autres maximes, comme mes divins écrits le prouvent assez.

Voici un échantillon de ses maximes. Tout ce qui est extérieur, dit-il, n’est qu’une préparation au salut et une disposition à la vie intérieure. C’est l’intérieur seul qui plaît à Dieu et ce n’est que par là qu’il veut nous sauver. Si tu crois, ô homme, qu’il suffit de lire, d’entendre, de prêcher, de méditer la parole de Dieu, non tu te trompes, il faut encore que tu sois instruit de la bouche de Dieu même, non seulement extérieurement mais aussi intérieurement, immédiatement.

L’auteur va plus loin, page 4, il veut que chacun publie ce que Dieu lui a dit intérieurement et qu’il ne dise rien au-delà. On ne doit, dit-il, prêcher d’autre Évangile, parole ou fils de Dieu que ce que Dieu nous a révélé intérieurement, comme à St Paul, et cet apôtre n’a pas prêché d’autre Évangile que celui-là. Le nouveau testament littéral qu’on appelle aujourd’hui l’Évangile n’était pas encore du temps des apôtres. Ensuite, s’appuyant sur ce passage de St Paul où il dit qu’après avoir connu J. C. selon la chair il ne le connaît plus, il s’écrie : Quoi ! l’apôtre ne veut plus connaître J. C. selon la chair et y demeurer attaché, et aveugles que nous sommes, nous nous arrêterons éternellement à un témoignage extérieur tel qu’est l’Écriture et nous passerons toute notre vie à apprendre et à enseigner sans arriver jamais à la connaissance intérieure de J. C. ? Il compare là-dessus tous les hommes qui ne sont point éclairés de ces prétendues lumières aux Pharisiens et aux Docteurs de la Loi qui, tout habiles qu’ils soient dans la connaissance des Stes Écritures, ne reconnurent pas J. C. ou le Verbe fait chair à cause de l’attachement outré qu’ils avaient pour ces mêmes Écritures. C’est ainsi que nous en usons, dit-il, et qu’étant dans l’erreur et dans les ténèbres d’une si longue nuit, mais qui grâce au Ciel tire aujourd’hui à sa fin, nous crucifions J. C. de nouveau en l’étouffant dans nos cœurs, lui qui est la parole de vie, et cela par un attentat beaucoup plus criminel que celui des Juifs, car enfin il fallait que les Prophéties eussent leur accomplissement et que Dieu leur tienne les yeux fermés afin qu’ils ne le reconnaissent point.

Ce qui suit page 7 a encore quelque chose de plus singulier et de très impie. Il y attaque ouvertement l’unité du Verbe. On ne doit pas s’imaginer, dit-il, que Dieu n’ait produit que ce seul Fils éternel et essentiel. Dieu est un Être éternellement productif, il produit de soi plusieurs fils pendant toute l’Éternité et il en produira encore dans la suite des siècles. Cependant il n’y a qu’un seul Fils. Il a fait ce Fils coéternel à lui-même naître de la Ste et la très chaste Vierge Marie dans ce monde extérieur et visible, et il l’a envoyé une fois pour nous racheter de la malédiction de la loi et péché originel car nous avons tous péché en Adam. C’est de cette malédiction et de ce péché qu’il nous a rachetés en général.

C’est encore lui qui nous a obtenu un passage libre vers Dieu le Père et qui nous a appris de quelle manière nous devions l’imiter pour mériter qu’il vînt à nous comme dans le monde et qu’il nous rachetât du péché personnel et actuel. Or, le Fils de Dieu ne peut venir à nous que par une essence spirituelle. Dieu doit le laisser se produire dans nos âmes ou plutôt s’y produire lui-même. Pour cet effet, il faut que nous imitions sa pauvreté, son renoncement et ses autres vertus, sans quoi si nous continuons à mettre des obstacles à la production du Verbe en nous, nous nous attirons la malédiction éternelle, car nous faisons mourir le Fils de Dieu en nous, et nous nous condamnons à une mort de 3000 ans ; mais aussi nous nous précipitons en même temps à un égal nombre d’années dans les peines d’un feu purifiant s’il y a eu de l’ignorance de notre part. Que si c’était avec connaissance et par mépris, nous nous rendons coupables de la damnation éternelle, où pendant l’espace des trois cents mille ans nous souffrirons des peines épouvantables avant de pouvoir recouvrer la grâce, et cependant après cela nous ne parviendrons jamais à ce point de perfection et de bonheur où nous serions parvenus si Dieu dans le temps avait pu produire son Fils en nous et nous régler son Verbe.

C’est dans ce dessein et pour augmenter le Royaume de Dieu que notre auteur dit avoir fait cet extrait de Tauler et de Jean Arndt, plus pour l’édification que pour donner de nouvelles connaissances à ses lecteurs. Il finit sa préface en avertissant qu’il ne citera de Tauler que ce que Jacob Philippe Spencer, Docteur luthérien, a déclaré être conforme à l’Écriture sainte, pour ne pas choquer les protestants s’il en usait d’une autre manière. Il y a dans tout ce discours certain air de piété, de douceur et de simplicité capable de faire impression sur les esprits faibles, mais ce qui rebutera certainement la plupart de ses lecteurs, c’est le souhait qu’il y fait de toutes sortes de croix et d’afflictions aux hommes qui sont encore charnels. Ce sont là les étrennes qu’il leur donne le 2e jour de l’année 1710, ce sont toutes les prospérités qu’il leur souhaite et c’est par là qu’il finit sa préface.

 

 

 

Extraits

des ouvrages de Tauler

 

 

Le premier extrait est celui de son sermon pour le jour des Rois. Ce discours est rempli de maximes de la plus fine spiritualité, surtout au sujet de l’oubli et du renoncement à soi-même. Il y a quelques-unes qui paraissent outrées et ce sont celles-là sans doute sur lesquelles notre auteur se fonde le plus. En voici trois des plus remarquables.

Pag. 22. Quand l’âme le veut, elle a en elle-même le Père, le Fils et le St Esprit, elle leur est parfaitement unie et c’est ainsi que Dieu tout pur est révélé à l’âme toute pure, mais on ne peut parvenir à cet état tandis que l’on ressent la moindre tentation de la part des créatures, car personne ne peut entrer dans la pure divinité qu’il ne soit lui-même aussi pur qu’il était au commencement lorsqu’il émana de Dieu.

La charité est certainement la plus noble de toutes les vertus car elle fait que l’homme devienne Dieu et que Dieu devienne homme.

Quand sommes-nous Enfants de Dieu ? C’est, répond-il, lorsque nous avons le même être que le fils de Dieu, mais comment sommes-nous les Enfants de Dieu et comment le savons-nous ? À cela il répond ainsi. Comme telle est la nature de Dieu qu’il ne ressemble à personne, il est nécessaire que nous parvenions jusqu’à n’être rien afin de pouvoir être mis dans cet être qui est Dieu lui-même, car dès que je suis dans cet état que je ne me représente plus moi-même à moi-même, mais que je m’anéantisse entièrement et que je rejette hors de moi tout ce qui est à moi, c’est alors que je puis être comme transformé dans la pure essence de Dieu.

Le second extrait est celui du sermon après Noël, page 32. Il est donc vrai, comme on l’a déjà dit, que tout ce que l’âme fait à l’extérieur, elle le fait par ses propres forces, mais dans sa propre substance et essence elle n’a aucune force d’agir et elle n’agit pas non plus.

Le troisième extrait est celui du sermon pour le 3e dimanche d’après les Rois.

Pag. 47. Il demande si l’on peut trouver cette naissance du Verbe dans de certaines pratiques pieuses et spirituelles à la vérité, mais qui cependant entrent dans l’âme par les sens, comme par exemple la méditation qui nous représente tantôt un attribut de Dieu et différentes choses de cette nature. À cela il répond que quoique ces choses-là soient divines, ce n’est pas cependant par là que nous trouverons en nous la naissance spirituelle du Verbe, parce que nous ne connaissons ces perfections de Dieu et autres vérités semblables que par des connaissances extérieures et qu’elles entrent dans l’âme par le canal des sens, mais que si nous voulons que cette naissance soit produite en nous purement et réellement, il faut de toute nécessité laisser faire Dieu. Laisser toutes les opérations et puissances de notre âme dans l’inaction et le repos et ne faire autre chose que s’abandonner à l’opération de Dieu. En deux mots, pour parvenir à ce point, il faut laisser agir Dieu seul en nous et, pour nous, nous devons nous contenter de souffrir.

Pag. 50. Il fait cette question si, après que l’homme a tout abandonné tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, Dieu venait à le laisser à son tour dans un entier abandon sans paraître, sans produire son Verbe ou sans agir en lui de quelque manière que ce fût, de sorte que l’homme se trouve par là dans un anéantissement parfait, ne ferait-il pas bien en ce cas de prier, lire l’Écriture sainte ou de faire d’autres œuvres pieuses et ordonnées de Dieu afin de sortir par là des ténèbres et du délaissement où il se trouverait. Il répond que non parce que de cet état de sécheresse et d’obscurité le passage est dangereux et glissant, car ce serait vouloir se préparer aux opérations divines de son côté et de celui de Dieu en même temps, ce qui est impossible.

Le 4e Extrait du sermon pour le dimanche des rameaux. L’Évangile sur lequel roule ce discours raconte de quelle manière J. C. avait chassé du temple ceux qui vendaient ou achetaient, et Tauler dit à ce sujet des choses très fortes sur l’amour pur et désintéressé.

Pag. 61. Il compare aux marchands du temple les chrétiens de ce caractère qui se précautionnent contre le péché mortel et aiment la probité et souhaitent être gens de bien. Ils font de bonnes œuvres, ils prient, ils jeûnent, donnent l’aumône et tout cela dans la vue d’honorer Dieu, mais en même temps ils n’agissent que dans la vue de la récompense et dans la pensée que Dieu leur en tiendra compte, ainsi ils se recherchent dans leurs actions. Ces gens-là doivent être regardés comme des marchands spirituels. Ils veulent troquer une chose contre une autre et trafiquer ainsi avec Dieu. Ce sont là des fols et des insensés qui méritent que Dieu les chasse de son temple. (Ce temple est l’âme de l’homme de bien où Dieu se plaît, ainsi qu’il l’avait auparavant expliqué.) Je le dis nettement, poursuit-il, tandis que l’homme se recherche dans ses actions ou qu’il demande quelque chose pour lui-même dans tous les dons que Dieu lui a déjà faits ou dont il peut encore lui faire part dans la suite, on aura droit de le mettre au nombre de ces marchands qui sont chassés du temple de notre Seigneur.

L’auteur fait ensuite d’autres extraits des ouvrages de Tauler où on ne remarque rien de répréhensible que des maximes d’une spiritualité peut-être trop raffinée et qui n’est à la portée que d’un très petit nombre de contemplatifs extraordinaires. Les observations qu’on a faites là-dessus se réduisent à celle-ci.

Dans le petit ouvrage intitulé Imitation de la vie pauvre de J. C., Tauler dit qu’il y a quatre sortes d’esprits qui parlent intérieurement à l’homme. Le premier est le Démon, le second est naturel et ne s’explique que par des fantômes et des imaginations. Le troisième est l’ange, le St Esprit est le dernier et c’est sur les paroles intérieures du Saint Esprit que notre visionnaire ajoute ce qui suit dans une parenthèse. Il faut, dit-il, mettre de la différence entre ses paroles, car c’est tantôt le Père, tantôt le Fils, tantôt le St Esprit qui parle, et cependant ce n’est qu’un seul Esprit qui le fait selon que la nature de la chose ou la nécessité le demande. Je l’ai ressenti moi-même, dit-il, pauvre misérable pécheur que je suis et j’en rends témoignage dans la vérité qui est J. C.

Pag. 106. La maxime suivante est dangereuse. La prédication est-elle utile à celui à qui le Verbe parle intérieurement ? Qu’il l’entende, répond-il, qu’il en use de même à l’égard de chaque vertu qui lui sera utile. Enfin qu’il s’exerce dans ce qu’il croit être le meilleur. Plus bas il dit que le cœur pur est le temple de Dieu où Dieu le Père s’adore lui-même.

Pag. 110. Cette parole intérieure est si forte qu’elle fait quelquefois sortir l’âme d’elle-même et entrer en Dieu, et Dieu saisit et tient l’âme comme embrassée avec son opération et la réunit quelquefois avec lui, de sorte qu’elle veut et doit nécessairement demeurer auprès de lui pendant toute l’éternité.

 

 

 

 

 

 

 

Extrait

du Vrai Christianisme

de Jean Arndt.

 

 

Comme on doit chercher Dieu dans le repos et le silence.

 

Voyez le Royaume de Dieu est en nous, en St Luc, ch. 17.

 

Pag. 117. Le Verbe (J. C.) est une semence à qui notre foi donne la vertu de produire différents fruits, ainsi que nous le marque la Ste Écriture. De même que J. C. est né de la Ste Vierge, il faut aussi qu’il naisse en moi, que je vive en lui, qu’avec lui je m’humilie, je sois patient, etc.

Pag. 118. L’Écriture nous fait le portrait de Dieu et celui de son Royaume, mais il faut que ce portrait et ce Royaume soient au-dedans de nous. De même que le corps n’est jamais plus tranquille que lorsqu’il est dans sa maison, l’âme aussi ne se trouve jamais mieux que lorsqu’elle est unie avec Dieu.

Pag. 119. On ne doit jamais rien dire, rien lire, rien penser qui ne contribue au repos et à la conversion de notre cœur. Notre Dieu est un Dieu caché. Il ne se communique à nous que dans le secret du cœur.

Pag. 120. Les prophètes ont été nourris de la parole de Dieu. Ce Dieu continue à parler aux hommes dans le fonds de leur cœur et à les nourrir de la parole. Mais l’aveuglement de la plupart des chrétiens est si grand qu’ils aiment mieux écouter le monde et chercher ses plaisirs que de se rendre attentifs à la voix du Seigneur.

Pag. 121. Ceux qui aiment le monde disent qu’il y a aujourd’hui bien de la science et l’on ne sait pas l’art d’aimer J. C. La vraie science consiste à acquérir la sagesse éternelle.

Pag. 122. Il est impossible que l’homme reçoive la lumière intérieure, qu’il ait part aux inspirations tandis qu’il ne renonce pas au péché, qu’il n’a point une foi vive et qu’il ne meurt point au monde. Celui qui est attaché à Dieu devient un même esprit et un même cœur avec J. C. N’être qu’un même cœur avec J. C., c’est non seulement croire en lui mais encore vivre en lui.

Pag. 123. Où se trouve une foi vive, là se trouve J. C. Où est J. C., là est aussi la vie en J. C. Où est la vie en J. C., là est son amour. Où est son amour, là est Dieu et le St Esprit.

Pag. 124. La vie du vrai chrétien est une mortification continuelle. Ceux qui ne veulent point apprendre par leur expérience la différence qu’il y a entre le premier homme et J. C. marchent dans les ténèbres et ne savent ce que c’est que la vraie pénitence, la vraie foi et la régénération. Un vrai chrétien doit savoir parler avec Dieu et entendre sa voix, doit savoir garder ses commandements et les trouver aisés, doit savoir vaincre le monde, le péché et la mort, doit pouvoir mener une vie sainte et chaste, etc. La porte de la grâce est encore ouverte, ne perds point de temps.

Pag. 127. Je dors mais mon cœur veille, dit Isaïe. J’entends la voix de mon ami qui frappe au Cantique des Cantiques. Car en différents endroits de l’Écriture il est aisé de voir combien Dieu souhaite se communiquer à nous.

Pag. 128. Voulez-vous que J. C. vive en vous et avec lui la grâce, la lumière, etc. ? Ayez donc recours aux veilles, aux jeûnes, à la prière, etc. Marchez dans la voie étroite du salut, renoncez au péché, ayez du mépris et de la haine pour vous-même. La terre était au commencement du monde inculte et déserte, et notre cœur est vide à moins que la grâce de Dieu ne le remplisse.

Pag. 130. Il y a trois sortes de prières : la vocale ou extérieure, la mentale ou intérieure, et la surnaturelle. La vocale est un exercice extérieur qui conduit à la prière mentale et qui fait rentrer l’homme en soi-même, surtout lorsqu’avec une foi vive il fait attention aux paroles qu’il profère. La mentale ou intérieure vient de la foi, de l’esprit et du cœur, comme dit le Sauveur en St Jean, chap. 4. Les vrais adorateurs invoqueront mon Père en esprit et en vérité. La surnaturelle est une union étroite avec Dieu par la foi lorsque notre esprit s’unit à celui de Dieu. Lorsqu’en un moment nous voyons tout ce que les Sts ont dit et ont fait depuis le commencement du monde.

Pag. 131. Par le moyen de la prière surnaturelle, notre cœur est tellement rempli de l’amour de Dieu qu’il ne peut songer qu’à Dieu et si pour lors on demandait à l’âme ce qu’elle connaît, ce qu’elle cherche, ce qu’elle sent, elle répondrait qu’elle connaît un bien qui contient tous les biens, qu’elle cherche une beauté qui surpasse toutes les beautés, qu’elle ressent une joie inexprimable.

Pag. 132. L’humilité est aussi nécessaire à celui qui veut s’unir étroitement avec Dieu, car la prière sans l’humilité est sans effet. Le Sauveur nous donne un exemple parfait de cette vertu. Les effets de l’humilité sont de rendre l’homme paisible, tranquille, de le mettre au-dessus de tout, de le rendre insensible à tous les malheurs.

Pag. 133. Deux chemins conduisent à l’humilité : le premier est la prière quand elle est fervente, le second est la fréquente méditation de la mort et de la passion de J. C. L’amour est la première de toutes les vertus, sans elle toutes nos prières, toutes nos actions ne sont point agréables à Dieu. Ainsi si nous voulons nous unir avec Dieu, il faut que son amour accompagne nos prières. Je me fais voir et je me fais connaître à celui qui m’aime en St Jean, chap. 14.

Pag. 134. Quand on aime quelqu’un, on est volontiers avec lui. Dieu aime beaucoup les hommes, d’où vient qu’il aime à être avec eux. Plus on aime Dieu, plus on veut l’aimer. Si un homme avait mille corps, mille vies, il devrait les donner, les sacrifier pour conserver son amour.

Pag. 136. Heureuse l’âme qui est enflammée de cet amour, car c’est à elle que Dieu se fera connaître. Quand l’âme ressent le moindre effet de cet amour, elle est au comble de sa joie. Cet amour attache notre cœur à Dieu et le remplit de tous biens. Dieu est le vrai amour et celui qui aime Dieu demeure dans Dieu et Dieu dans lui, et celui qui est dans Dieu ne pèche point. C’est la marque du vrai amour.

Pag. 137. Peu de personnes connaissent bien Dieu parce que la plupart des hommes sont attachés au monde et à la créature. Plus le cœur est détaché du monde, plus il est propre à la prière surnaturelle.

Pag. 138. Personne ne saurait mieux te dire que Dieu aime à se communiquer à nous que Dieu lui-même. Je puis rendre témoignage de cette vérité car quelqu’indigne que je sois des faveurs du Ciel, non seulement j’y ai eu part, mais même j’ai entendu ces paroles de la propre bouche de Dieu. Mets-toi dans un profond repos, je me réjouirai en toi. Je ne veux pas donner par écrit ce que je ressentais dans ces heureux moments. La vraie foi tient le cœur dans le repos et le silence et le rend par là capable des grâces de Dieu.

Pag. 139. On se demande souvent à soi-même où l’on trouve Dieu. On le trouve dans l’Esprit et dans la vérité. Dieu nous est toujours présent, mais nous ne sommes pas toujours présents à Dieu, c’est à dire que nous ne le trouvons pas comme un aveugle qui ne voit pas la lumière le jour. Dieu ne se retire pas de nous, mais nous nous retirons de lui et par là nous tombons dans l’aveuglement et nous disons qu’il est en colère, qu’il est fâché, etc. Ce changement se fait dans nous. Dieu est toujours le même, également bon, etc.

Pag. 140. Tout homme, quelque saint qu’il soit, est indigne de parler avec Dieu. Cependant, toutes les fois qu’Abraham lui parlait, Dieu lui répondait ainsi. Il est très sûr que Dieu répond toujours lorsqu’on l’invoque avec un cœur plein de foi.

Pag. 142. Dans l’Ancien Testament, tous les Prophètes entendaient parler Dieu au-dedans d’eux-mêmes, aussi il n’y a point de vrai chrétien dans le nouveau qui ne puisse entendre parler J. C.

 

 

 

Extrait

du troisième livre

 

 

Il y a différents degrés de perfection. Le premier est la pénitence. Le second, la prière, la méditation. Le troisième, l’intime union avec Dieu. Pour parvenir au dernier degré, il faut donner à Dieu son cœur, son âme, son esprit, sa volonté et son amour.

Pag. 143. Plusieurs croient qu’il suffit de lui donner son esprit comme font les savants qui parlent, qui disputent toujours des choses qui regardent Dieu. La théorie ne suffit pas, il en faut venir à la pratique. Il faut donc, outre son esprit, lui donner sa volonté.

Pag. 144. C’est un bonheur que le Royaume de Dieu soit un trésor caché, un trésor intérieur que nous portons toujours avec nous. Dieu est à la vérité partout, mais il est particulièrement dans l’âme éclairée d’en haut, d’où il nous répond sur tout ce que nous lui demandons. St Cyprien et St Bernard disent que le repos et le silence donne à l’âme la sagesse et la prudence.

Pag. 146. L’Écriture sainte dit en plusieurs endroits que nos cœurs sont la demeure de la très Ste Trinité. Comme on ne peut pas chercher et trouver ce trésor à moins que le cœur ne soit en repos, il faut savoir de quelle manière on peut mettre son cœur dans ce repos et dans cette tranquillité.

Pag. 147. Toute la doctrine de Tauler, ce grand homme de bien, tend à rendre l’homme intérieur. D’où vient qu’il dit que pour trouver le Royaume de Dieu qui est au-dedans de nous il faut souvent rentrer en nous-mêmes.

Pag. 148. Les cinq principaux articles du catéchisme contribuent à rendre un homme intérieur. Le premier, que Dieu a donné, sa loi sur la montagne du Sinaï, que cette loi était gravée sur deux tables de pierre. Le second, que J. C. est notre justice, notre vie, etc., qu’il est la lumière, le verbe et la vie des hommes. Le troisième, que la prière est une excellente chose. Le quatrième, que les péchés sont remis par le baptême qui nous fait enfants de Dieu. Le cinquième, que J. C. est l’agneau qui a été immolé sur la croix. Il faut que J. C. soit tous les jours la nourriture. Le vrai chemin qui conduit à ce trésor intérieur est une foi vive, car c’est cette foi qui nous procure ce grand repos que l’on appelle sabbat.

Pag. 150. Un homme qui est dans le repos intérieur se porte de lui-même au bien. Il est inutile de l’y pousser, de lui rien ordonner, de lui rien défendre, car la foi agit avec liberté. Elle s’abandonne à Dieu qui fait tout en nous.

Pag. 152. Rien ne rend l’homme si agréable à Dieu que le repos du cœur, le repos intérieur. Pour s’unir avec Dieu il faut, outre la foi, une grande humilité qui n’aboutisse pas purement et simplement à quelque pratique extérieure, mais qui aille jusqu’au cœur.

Pag. 155. Dieu est au dedans de nous et nous ne sommes pas si présents à nous-mêmes que le Verbe éternel. Celui qui m’aimera, a dit le Sauveur, entendra ma parole, non seulement dans les assemblées extérieures qui se font dans les Églises, mais dans le vrai temple de notre cœur. Si on ne l’entend pas là, le temple extérieur ne servira de rien.

Pag. 159. Les souffrances des croix sont quelque chose de si avantageux, de si noble, que Dieu ne manque jamais d’en envoyer à ses amis. Celui qui m’écoute et qui conçoit ce que je dis a le commencement de la sagesse éternelle.

Pag. 160. Le service extérieur que l’on rend à Dieu est quelque chose de beau, mais l’intérieur qu’on lui rend dans le repos et le silence dans le sabbat l’emporte infiniment sur l’extérieur.

 

 

 

 

 

 

 

L’auteur, ayant mis au jour la première partie de sa vie, les ministres de Nuremberg le citèrent devant le Consistoire pour répondre à plusieurs articles qu’ils en avaient extraits et qu’ils soutenaient être contraires à la parole de Dieu. Il comparut mais après quelques questions on le mit en prison. Son confesseur fut chargé de lui porter les articles qu’on avait extraits de son livre au nombre de trente-six et de rendre compte de ses réponses. Elles sont toutes assez raisonnables hormis celle qu’il fait au 15e article, qui est tout à fait extravagante. On la met ici mot pour mot avec l’objection, cela suffit pour donner une idée du caractère et du genre de l’auteur.

 

 

Objection

 

C’est un archimensonge de dire qu’Adam soit tombé intérieurement avant Ève parce qu’on n’en peut rien trouver dans l’Écriture sainte.

 

Réponse

 

Si l’on s’arrête à la lettre, je l’avoue en partie, mais il n’en faut pas toujours demeurer là. On doit par la lumière intérieure aller plus loin et pénétrer plus avant. Je vais expliquer mon sentiment, mais sans conséquence et sans obliger personne à le suivre. Chacun en croira ce que bon lui semblera.

Et Dieu créa l’homme (non les hommes) à son image, il le créa à l’image de Dieu et il les créa mâle et femelle (s’entend en une personne) à l’image de Dieu, il les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, et peuplez la terre (bénie) et soumettez-la à vos ordres, et Dieu considéra tout ce qu’il avait fait et vit que cela était très bon, et du soir et du matin se fit le sixième jour qui fut le dernier de la création. Le ciel et la terre furent ainsi achevés avec tous leurs ornements. Or si l’on doit s’arrêter à la lettre du texte, où trouve-t-on ici le sommeil d’Adam ? Où trouvera-t-on Ève qui fut formée d’une de ses côtes ? Comme Dieu est Esprit et spirituel, ainsi l’était aussi l’homme et il n’avait point de chair mortelle. Or Dieu est un être qui engendre de toute éternité. Je donnerais la vertu d’engendrer et je n’engendrerais pas moi-même, dit le Seigneur. Il est un dans trois et cependant il n’est qu’un, de même l’homme, comme l’image de Dieu étant mâle et femelle et divin, devait se multiplier d’une manière singulière, divine, pure et chaste, car Adam était l’image de Dieu.

Dieu ayant créé toutes sortes d’animaux, il les mena à l’homme afin qu’il vît quel nom il leur donnerait, et l’homme donna à chaque animal un nom.

Or Adam, voyant toutes les différentes espèces des créatures que Dieu avait créées, il y prit plaisir, se regardant ensuite lui-même et, considérant sa beauté, il y eut aussi de la complaisance ; sur cela l’amour propre et l’orgueil s’emparèrent de son cœur, y excitèrent toutes sortes de désirs et le portèrent à s’attribuer à soi-même tous ces biens ; ses yeux, plus occupés à considérer la créature hors de lui que le Créateur dans son intérieur, virent l’arbre défendu ; cette vue fit aussitôt naître la désir d’en manger le fruit, le désir fut conçu dans son fond et il s’y arrêta par sa propre volonté, mais la crainte de mourir, comme Dieu l’en avait menacé, l’empêcha d’aller plus loin.

Il vit de plus toutes sortes d’animaux s’accoupler et cela lui fit souhaiter aussi une compagne semblable à lui pour aussi contenter ses désirs, et ces désirs ainsi conçus produisirent en lui l’homme pécheur, charnel et animal.

Dieu, voyant donc cette chute intérieure et ensuite extérieure d’Adam et que par conséquent il ne pourrait pas se maintenir dans l’état où il l’avait créé parce qu’ayant détaché ses cinq sens de Dieu qui était dans son intérieur pour les attacher aux objets extérieurs, il dit : Il n’est plus bon (quoiqu’auparavant tout fut très bon) que l’homme pécheur soit seul. Je veux lui donner une aide semblable à lui qui soit auprès de lui, de peur qu’Adam ne se mêle avec les bêtes ou qu’il ne devienne tout à fait Diable. Il lui envoya donc un profond sommeil et forma donc de ses côtes la femme, mais Adam aima cette femme plus que son Créateur. Il obéit à sa voix et commença de pécher avant que de manger du fruit défendu. Ensuite le serpent dit à la femme : Est-il bien vrai que Dieu vous a ordonné de ne point manger de toutes sortes de fruits qui sont dans le jardin ? Nous mangeons, répondit la femme, de tous les fruits du jardin, mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, le Seigneur nous a dit : N’en mangez point, ne le touchez pas afin que nous ne mourriez pas. Vous ne mourrez point, repartit le serpent, mais Dieu sait qu’au moment que vous en mangerez vos yeux s’ouvriront, vous serez comme Dieu et vous saurez le bien et le mal. La femme, trompée par tant de paroles, mangea du fruit défendu, en donna à son mari qui en mangea aussi sans la contredire, car il y trouvait son compte, ayant eu depuis longtemps envie d’en manger. Bien plus, comme ce n’était pas lui mais la femme qui avait détaché ce fruit, il comptait se justifier en rejetant toute la faute sur elle comme il le fit dans la suite quand le Seigneur lui en fit des reproches. La femme, dit-il sans façon, que vous m’avez donnée pour compagne m’a donné du fruit défendu et j’en ai mangé. Peut-être eût-il dit volontiers : Si vous ne m’aviez point donné une femme pour compagne, elle n’aurait pu me donner de ce fruit, ainsi prenez-vous-en à vous-même. Si Adam n’en avait pas eu envie auparavant, en aurait-il mangé sans rien dire à sa femme, qui n’en avait pas usé de même ? Ne lui aurait-il pas fait sentir son empire sur elle par quelques reproches de ce qu’elle avait violé la loi de Dieu ? Mais il ne dit mot parce que son cœur était déjà plein de l’amour propre et de l’amour des créatures, et que l’amour de Dieu y était ralenti ; ainsi il y consentit et ne fit pas grand cas du péché de sa femme, il en parut même fort content.

Le péché étant ainsi consommé produisit la mort et Dieu qui est la vraie vie de l’homme se cacha et abandonna au Diable son Royaume et sa demeure dans l’homme. C’est là où Satan a régné jusqu’à présent, excepté ceux qui ont changé leur sens, qui ont renoncé à eux-mêmes, qui se sont tournés vers Dieu dans leur intérieur, qui par là ont chassé le Diable et qui ont abandonné à Dieu et à sa volonté leur âme, leur corps et leur vie. C’est ainsi que la chute extérieure vient extérieurement de la femme.

Au reste, je ne prétends pas ici disputer et je me soumettrai volontiers à l’instruction de quelques personnes que Dieu aura enseignées, ou peut-être que toute cette affaire me sera encore réglée plus clairement. Quoique ce soit une question qui ne peut produire que des disputes. Pour une plus ample instruction, lisez avec attention Samuel 13, 14, chap. 15, 10-11, chap. 16, 1, Exod. 2, 20-21.

 

 

 

 

 

 

 

Extrait

 

D’un petit livre du même auteur intitulé Les Derniers Avertissements de J. C. par ordre de la Charité éternelle et adressés à tous les hommes, aux Juifs, aux Chrétiens, aux Turcs et aux païens pour les porter à la pénitence et à l’abnégation d’eux-mêmes et leur donner par là le moyen de soutenir le jugement de Dieu qui va commencer.

 

 

 

Avertissement au lecteur

 

 

Gardez-vous bien de mépriser ce que vous allez lire, car de même que les pensées de mépris qui vous viendraient en lisant les Prophètes et les Évangiles seraient des pensées de blasphèmes, aussi blasphémeriez-vous en méprisant ce que j’écris, puisque les paroles que vous lirez ne sortent pas moins de la bouche de Dieu que celles des Prophètes.

L’auteur rapporte ensuite plusieurs révélations qu’il eues, l’une le 1er décembre 1706, l’autre le 11e du même mois, la troisième le 2e de novembre, une heure avant que les trompettes sonnassent sur la tour de Nuremberg.

Il en a eu plusieurs autres dont il marque exactement l’heure et le moment. Ces révélations ne sont autre chose que des exhortations que Dieu lui a ordonné de mettre par écrit pour porter les hommes à la pénitence. Elles sont tissues pour l’ordinaire de passage de l’Écriture, quelquefois de rimes assez naturelles et capables d’en imposer au peuple.

Pag. 12. Vous savez, ô Seigneur, dit-il, que je ne mens pas. Étant hier sur le point de me coucher et me sentant un grand désir d’écrire quelque chose pour le salut des hommes, vous me dites d’aller coucher et que vous m’avertiriez quand il en serait temps. Vous avez tenu parole, Seigneur, et à mon réveil vous m’avez donné de nouvelles lumières. Je vous en rends grâces, je vous en rends grâces, je vous en rends grâces par J. C. maintenant et pour toujours. Alléluia.

Dans une de ces exhortations à lui dictées, il paraphrase le Pater et fait voir que la plupart des chrétiens n’ont aucune sincérité en demandant les choses qu’ils demandent. Ce sont de grandes invectives contre ceux qui tiennent une conduite toute opposée au sens de cette prière et surtout contre les prédicateurs et contre les Docteurs. Où achèterez-vous de l’huile, dit-il, chez les marchands ? Ils n’en ont point, leurs lampes sont éteintes, ils ne vous vendent que des eaux mortes, ils ne vous donnent que la parole qui tue et non celle qui vivifie. Ils vous promettent la liberté et ils sont esclaves de leurs passions, du Démon. Enfants de perdition, leur ventre est leur dieu, ce sont de faux prophètes et des prêtres de Baal. Mais ayez patience. Élie viendra, il est déjà en chemin, que celui qui a des oreilles écoute et se rende attentif à ce que dit l’Esprit. C’est ce qu’il répète presque à chaque page.

Il rapporte plusieurs autres inspirations qu’il a eues le 16, le 22 et le 27. Le tout aboutit à dire et à répéter : Renouvelez vos sens, entrez dans l’abnégation de vous-mêmes, sans quoi quelque habiles que vous soyez, et votre science et votre mérite sont inutiles.

Quelqu’habile homme que fût Tauler, il ne put jamais plaire à Dieu avant cette abnégation de lui-même.

 Le 28 j’eus un songe la nuit. Il me semblait voir une pompe dont je tirais de l’eau. L’eau étant prête à sortir en abondance, je mis le doigt à l’issue et incontinent l’eau retourna au fond. M’étant réveillé, je demandai à mon doux Jésus qui était toujours auprès de moi ce que voulait dire cette pompe et je compris que si j’écrivais exactement ce qui m’était dicté, je ne tarirais jamais, mais que si je demeurais oisif, les eaux salutaires de la parole de Dieu se perdraient. C’était pour me guérir d’une tentation que j’avais eue, car étant près d’écrire, je me laissai aller à quelque négligence en m’endormis, pensant en moi-même que mes écrits se grossiraient trop si je voulais tout écrire.

Faites donc, ô mon doux Jésus, tel usage qu’il vous plaira de ma plume et de mes soins, je me consacre entièrement à vous.

Il parle d’une autre révélation du 29 novembre dans laquelle il dit qu’Abraham fut trouvé juste non seulement pour avoir cru, mais aussi pour avoir vécu dans l’innocence. Il ajoute que la foi ne sert de rien sans les œuvres.

Le 30, il eut ordre d’écrire au sujet de la mort des réprouvés. Il fait dire aux damnés : Qui nous délivrera des peines éternelles ? Il n’y a que J. C. qui puisse encore être notre libérateur. Écris, écris : Faites pénitence, et comme j’hésitais à écrire parce que j’avais si souvent écrit la même chose ; l’inspiration cessa tout à coup, jusqu’à ce qu’il fît des gémissements et des prières pour la recouvrer, promettant plus de fidélité à se garder des illusions du Démon.

Dans sa révélation du 5 décembre, il dit qu’il est très possible de garder les commandements, il parle de la douce familiarité avec laquelle il s’est entretenu avec son doux Jésus, il dit que J. C. lui a ordonné de manger des légumes et peu de viande et de ne chercher aucune satisfaction dans le manger, mais uniquement dans lui.

Il ne m’est pas permis de dire ce qui me fut dicté le 7 Décembre. Gloire à Dieu seul.

Le 10, il me fut dit : Je serai ta récompense. Eh, qu’ai-je fait, Seigneur, répliquai-je, pour mériter une si grande récompense ? Tu as écrit de moi, me répondit J. C. Plusieurs autres écrivent mais ils ne me consultent pas là-dessus et n’écoutent pas les paroles intérieures que je leur dis, ils ne recherchent, en écrivant et entassant livres sur livres, que leur honneur ou leur intérêt.

Pasteurs maudits, vous n’avez que des paroles de consolation pour les pécheurs au lit de la mort, vous les amusez et les perdez. Il vaudrait bien mieux leur dire : Vous n’avez pas gardé les commandements, vous allez être damnés. Peut-être la crainte leur briserait le cœur et les ferait retourner vers Dieu.

Ce terme, maudits, comme trop fort, m’inquiétait beaucoup, mais Jésus me le fit écrire deux fois et me dit que c’était pour faire impression sur ces esprits indociles et pour éviter de leur dire : Allez, maudits.

Relisant ce que j’avais écrit, je ne pus retenir mes larmes. J. C. me dit : Tu fais bien de pleurer avec moi, et je versai plus de larmes ce jour-là que je n’avais fait depuis 30 ans.

Il fait ici de grandes déclarations contre ceux qui enseignent l’impossibilité des commandements.

Il parle ensuite de la naissance spirituelle de J. C. dans nos cœurs et dit que quand J. C. vient à naître, tout nous paraît doux et léger et qu’on se trouve détaché de toute chose, que si l’on conserve quelque attache et qu’on n’entre point dans une parfaite abnégation de soi-même, l’Esprit est obligé de se retirer et d’abandonner le corps et l’âme au Démon. Cela arrive à ceux qui paraissent avoir le plus de piété et qui composent les livres les plus spirituels, à ceux même que l’on nomme Piétistes.

Le 17 Décembre, il lui fut révélé que comme le corps a besoin de repos pour se soutenir et pour vivre, aussi J. C. ne peut vivre dans nos cœurs si nous ne lui procurons du repos. Il fait ensuite de grands éloges de la tranquillité intérieure et paraît tout à fait favorable au Quiétisme. Vers le point du jour, j’entendis le Seigneur qui me disait : Je serai la grande récompense, la grande récompense. Eh, pourquoi, Seigneur, et qu’ai-je fait pour la mériter ? C’est parce que tu t’es tenu tranquille et en repos. Ce repos est le culte le plus agréable que l’on puisse rendre à Dieu. C’est ce qu’il faut bien remarquer.

Pag. 15. Il fait une prière à Dieu en faveur des âmes des défunts qui souffrent et le conjure de modérer leurs peines.

Il paraphrase encore une fois le Pater, en quoi il n’y a rien de remarquable.

 

 

 

 

 

 

Continuation de la vie de l’auteur

 

 

Pag. 149. L’auteur, recevant des plaintes contre les enfants, prie le Seigneur de les punir par quelques maladies. Ils tombent malades, mais on lui révèle qu’ils n’en mourront pas. Il rapporte d’autres accidents, comme la mort d’une meunière après qu’elle lui eût été prédite. Le Seigneur lui révèle la gloire dont elle jouissait dans le Ciel.

Pag. 150. Deux de ses enfants lui sont enlevés. Le Seigneur lui déclarant ses volontés là-dessus.

Pag. 151. Il est rempli de consolation céleste. Le Seigneur lui commande de donner à son corps la nourriture qu’il voulait lui refuser et de continuer à être juste et saint. Ensuite en lui représentant un gros chat, il l’avertit d’être sur ses gardes, qu’on tâchait de le surprendre.

Pag. 152 et 153. Il apporte la raison pour laquelle Dieu se fait connaître par des images extérieures. Les âmes purifiées doivent parler au Seigneur et l’entendre parler dans leurs cœurs. Les pécheurs doivent avoir recours aux livres et aux hommes saints pour s’instruire. Il s’étend ici beaucoup sur la douceur qu’on goûte dans les entretiens avec Dieu.

Pag. 154. Le Seigneur lui fait connaître qu’il parlait aux prêtres de l’ancienne loi de l’endroit qui était entre les chérubins et eux, mais que lorsqu’ils avaient commis quelque crime, il leur parlait par des Prophètes. Le Seigneur lui révèle de grandes choses qu’il ne déclare point parce qu’on n’avait point voulu le croire sur des moins considérables. Ayant demandé au Seigneur qu’il confirmât la vérité de ses paroles par des prodiges, le Seigneur lui répondit que ses grandes grâces lui suffisaient, qu’il était trop faible pour soutenir l’éclat des prodiges.

Pag. 155 et 156. Le Seigneur lui dit que son Jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’aura pas fait miséricorde. En lui faisant voir une eau trouble, il lui marque les adversités qu’il surmontera.  Le Seigneur le reprend d’avoir bu du vin, déclare qu’il est défendu aux prêtres du Seigneur d’en boire. Il y a ici de grands traits de morale sur la sainteté des Prêtres.

Pag. 157. Il lui semblait un matin de voir sortir de sa bouche des éclats de tonnerre, des feux, une horrible grêle. Un moment après, il vit entrer un de ses Juges pour l’examiner. Il lui demanda s’il persistait toujours opiniâtrement dans ses erreurs. Il accompagna sa demande de mille duretés. Notre auteur lui en dit autant. Le Seigneur approuva sa conduite en blâmant cependant la colère avec laquelle il avait parlé à son Juge.

Pag. 158 et 159. Le Seigneur lui fait connaître qu’il va affliger le monde, ravager la terre par la peste sous la figure d’une femme qui en coupant un morceau de pomme tomba roide morte, et une autre fois sous la figure d’une mouche qu’il vit tomber morte sur son lit. Il reproche leur dureté aux peuples d’Allemagne, plus criminels que les Ninivites. Il donne de grandes louanges aux livres de Thomas a Kempis, de Tauler, de Ruysbroeck, de Ste Thérèse, de Catherine de Gênes, de Bourignon et d’Armelle.

Pag. 160 et 161. L’auteur déclare que quand il dit que le Seigneur lui a répondu, on doit entendre le Fils de Dieu quand les choses sont absolument nécessaires ; quand elles sont utiles seulement, c’est un ange ou l’Esprit de l’homme qui lui parle. Il donne deux marques par lesquelles on reconnaît l’Esprit du Seigneur dans les livres et dans les Écritures. Il dit que la marque intérieure est dans l’âme, qu’on ne peut expliquer ni connaître sans la sentir. L’autre, qui est extérieure, est dans les matières quand elles ne flattent en aucune manière les passions des hommes, comme sont la pénitence, l’abnégation de soi-même.

Pag. 162 et 163. Il apporte deux raisons pour lesquelles il appelle le Seigneur l’Ange ou l’Esprit de Dieu. Premièrement, cela est conforme à l’Écriture. Secondement, le Seigneur, qui ne permet pas qu’un homme se trompe quand il cherche la vérité, lui la fait dire. Il examine ce qu’inspire la parole de Dieu et ce qu’inspire celle du tentateur.

 Pag. 164, 165 et 166. Ces pages contiennent différentes visions. Dans la 1re, on lui commande de se faire raser, de faire serment entre les mains des Juges, dans quelles occasions le serment est permis et licite. Dans la 2de, on lui déclare qu’il se répandra partout des doctrines séduisantes. Dans la 3e, on lui ordonne de jeûner huit jours au pain et à l’eau ; après avoir accepté ce commandement, on l’en quitte et on le récompense de son obéissance.

Pag. 167, 168, 169 et 170. Les suivantes contiennent deux visions. La première, d’une hirondelle et d’un moineau qui tombent morts à ses pieds. La seconde, d’un très agréable concert de musique où assistaient les anges en perruques courtes qui jouaient de toutes sortes d’instruments et chantaient mélodieusement. Le Seigneur lui ordonne d’écrire ces visions. Il fait mille imprécations contre ceux qui critiqueront ses écrits. Le moyen de les goûter, c’est la pureté du cœur. Il exhorte tous les peuples à purifier leurs âmes par la pénitence.

Pag. 171 et 172. Il n’eut pas plutôt obtenu la liberté de sortir qu’on la révoqua. Le Seigneur déclare par sa bouche les terribles châtiments qu’il prépare à ceux qui ne paient pas leurs dettes à l’occasion d’un débiteur qui ne payait pas à l’auteur ce qu’il lui devait. Il l’exhorte de la part de Dieu à la pénitence et prétend en avoir reçu ordre d’avoir soin de ses biens.

Pag. 173. On le consulte sur la conduite de deux paysans qui, pour avoir quelques remords de conscience, ne s’approchait point de la Ste Cène. Il leur conseilla de s’en approcher. Le Seigneur le reprit là-dessus et lui dit d’éprouver les hommes pour de grandes fins, premièrement les paysans pour savoir s’ils avancent dans les vérités du salut ou si les biens temporels leur en sont un obstacle ; secondement, les princes pour voir s’ils souffrent avec autant de patience les défauts de leurs sujets que Dieu souffre les leurs. En 3e lieu, ceux qu’on appelle Ecclésiastiques pour connaître s’ils donnent des marques authentiques qu’ils sont des antéchrists.

Pag. 174 et 175. Un ministre de la Cour lui disant que si ses écrits étaient vrais, il devait savoir ce qui était dans un livre ou une lettre cachetée. Il lui dit de la part de Dieu : Vous ne tenterez pas votre Seigneur. Le ministre reçoit un grand soufflet pour avoir méprisé ses écrits. Le Seigneur lui fait connaître qu’on élève mal ses enfants en les lui faisant voir couverts de vermine. Il lui commande de les retirer du commerce du monde.

Pag. 176. Le Seigneur, en le représentant couvert d’habits plus blancs que la neige, lui dit qu’il vient de l’habiller de la robe d’innocence et de justice. Il ajoute que depuis ce temps-là il l’a précieusement conservée.

Pag. 177, 178, 179 et 180. Le Seigneur, en lui représentant une mèche avec du soufre, lui dit : Mes dons et mes grâces dans ton âme représentent la mèche ; ton corps et tes membres sont exprimés par le soufre. Il faut que la mauvaise odeur de ce vieil homme, de tes membres comme celle du soufre, soit consumée avant que d’allumer ce feu, mais il éclairera ensuite les nations. Il rapporte une exhortation remplie de forces et d’onctions que lui fit le Seigneur, afin qu’il n’apportât point d’obstacles aux dons de Dieu. Il s’étend ici sur les louanges de l’humilité, sur la protection que le Seigneur donne aux humbles, sur la force de la foi.

Le Seigneur lui fait voir à sa droite une forte muraille garnie de canons, à sa gauche un mur d’airain, en lui disant : Je suis cette forteresse, je te conserverai, je suis avec toi, tu apprendras aux Empereurs, aux Rois, aux grands de la terre le chemin du Salut. On voit dans cette page une exhortation aux peuples où les vérités de l’Évangile sont dans toute leur force. Il se lève règlement à minuit pour faire sa prière.

Pag. 181. Le Seigneur lui fait connaître par différentes visions qu’il sera un feu qui embrasera toute la terre. Il lui ordonne de répandre partout ses livres. Le Seigneur lui promet de très grandes choses, le centuple dès cette vie.

Pag. 182, 183, 184 et 185. Il écrit une Lettre aux Princes de l’Empire. Il commence par protester que sa doctrine n’est pas de lui, que J. C. la lui a dictée et l’a forcé de répandre. Ensuite il se plaint qu’on ait fait enlever les livres de sa maison et qu’on retienne encore les plus utiles. Il supplie qu’on les lui renvoie et qu’en les examinant, on considère deux choses : 1ent que si ces Écrits ne sont point de Dieu, on le punisse comme un imposteur ; 2ent que s’ils sont de Dieu, on lui permette de les répandre. Il déclare qu’il sera innocent de tous les maux dont Dieu affligera l’Allemagne en punissant les crimes qu’on commet à son égard. Il finit par cette prière : Que Dieu soit adoré, glorifié, loué, obéi, aimé pendant tous les siècles, amen, alléluia, amen.

Pag. 186. Le Seigneur lui dit tout ce qu’il a dit à ses apôtres avant que de les quitter, il lui donne les mêmes pouvoirs.

Pag. 192. Il lui fait écrire plusieurs exhortations aux peuples d’Allemagne, aux Juifs, etc. Ces discours sont remplis des plus beaux endroits des Prophètes et on y admire toute la force de l’Éloquence.

Pag. 241. L’auteur de cet ouvrage réduit toute l’affaire du salut et de la conduite de l’homme à la voix intérieure de Dieu, ou au saint repos du sabbat. C’est là ce qu’il répète à chaque page. Ainsi il condamne et déplore l’aveuglement des hommes qui se sont laissé tromper si lourdement.

Pag. 242. Tous les hommes, tant du vieux temps que ceux qui ont vécu dans l’Église depuis 1400 à 1500 ans jusqu’à ceux d’aujourd’hui sont dans l’erreur et dans cette nuit dont parle le fils de Dieu en St Jean, parce qu’ils n’ont connu ni la parole de Dieu, ni le véritable Évangile, ni la Cène, ni le Baptême, ni la foi, et ne les connaissent pas encore quoique la nuit ait passé et que le soleil de la Justice commence à paraître.

Pag. 242 et 244 et ailleurs, 354. Il parle de l’avènement dernier de J. C. qu’il dit être à la porte.

Pag. 245. Ils sont dans l’erreur parce qu’ils ne connaissent pas la parole de Dieu, car l’Écriture Ste écrite ne l’est pas, puisque Dieu n’a jamais commandé de prêcher l’Écriture sainte ni de la faire passer pour la parole de vie de Dieu.

Ibidem. Tous les Prophètes ont entendu la parole de Dieu dans l’âme et ont prêché ensuite et écrit ce qu’ils ont entendu. De là est venue la Ste Écriture. Mais cette Écriture n’est pas la parole de Dieu, car il ne suffit pas que le Seigneur l’ait prononcée, qu’on l’ait écrite, il faut que le Seigneur nous parle par lui-même, qu’il nous montre dans le repos de l’âme ce que nous devons prêcher et enseigner.

L’Écriture sainte n’est que pour rendre témoignage aux paroles que Dieu nous dit, ainsi que faisaient les apôtres et J. C. lui-même, et ceux qui prêchent la parole écrite prêchent la leur propre.

Pag. 247. On manque, faute d’entendre l’Écriture sainte ; ce qu’il prouve par ce passage de St Jean : Qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, in me manet, etc., soutenant qu’il n’y en a point en qui J. C. demeure. Par cet autre : Qui manet in illo non peccat, etc., que celui qui pèche ne l’a jamais connu ni vu, bien moins mangé sa chair.

Pag. 246. C’est le Diable qui nous pousse à interpréter l’Écriture sainte et à nous y attacher, parce qu’elle est un empêchement essentiel à écouter J. C. qui est lui-même la parole de Dieu. Le Fils révélé dans les apôtres était leur parole.

Oui et amen était leur parole.

L’onction était leur parole.

L’Esprit de J. C. et Dieu même caché dans les âmes de tous les hommes était leur parole.

Chaque fidèle doit entendre cette parole dans lui-même et la suivre, sans quoi il ne saurait manquer de se perdre.

Pag. 251. Il n’y a point d’Église visible.

Pag. 251. Les sacrements et les cérémonies extérieures n’ont aucune vertu. Ils nous indiquent seulement et nous représentent la parole de Dieu intérieure. Par exemple, la Cène du Seigneur nous montre l’union de Dieu avec l’âme dans le repos du sabbat.

Pag. 252, 253 et 270. Comme la foi de la bouche ou le consentement vient de l’ouïe extérieure, de la parole extérieure que l’on a prêchée, de même la foi vive qui seule peut sauver vient de l’ouïe intérieure de la parole intérieure et éternelle, que les petits enfants, même sans baptême, peuvent écouter avant que d’être tombé dans un péché actuel et par là se sauver en lui devenant fidèles.  Celui qui dit que la foi vient des oreilles charnelles et extérieures ment comme le Diable et est plus méchant que lui. Il le prouve par l’exemple des savants qui se sont égarés.

C’est le Démon qui nous persuade de fréquenter les gens de bien, de lire tel ou tel bon livre, d’instruire les autres, de les reprendre, faire de pieux ouvrages, interpréter l’Écriture, méditer, prier vocalement, faire des assemblées, etc., puisque tout cela nous empêche d’arriver à la parole intérieure.

Pag. 256 et 259. Il ne laisse pas de conseiller à ses amis d’aller à la Cène, de fréquenter l’église, quoique plusieurs milliers se perdent par là. La raison est que Dieu même nous commande ces exercices jusqu’à ce qu’il vienne lui-même. Annuntiate mortem Domini donce veniat, dit St Paul. Qu’après la venue de Dieu dans nos cœurs il saura bien nous affranchir de la Bête. Alors on adorera Dieu en esprit et en vérité.

Pag. 256 et 362. Quelque petits et quelque légers que soient les péchés dont nous sommes coupables, Dieu n’est point en nous, mais le Satan.

Pag. 256, 257, 366 et 368. Suite des passages par lesquels il prouve qu’on ne peut être sauvé que par la parole intérieure.

Dieu ne nous parle point par les Croix et par les châtiments ou du moins il ne nous y parle que comme Juge, ce qu’il fait à tous les pécheurs. La parole intérieure de Dieu se connaît comme la voix d’un ami qui parle à son ami.

La conscience n’est point non plus la parole de Dieu.

Les métiers et les professions ont été institués par le Diable aussi bien que les autres emplois de la vie humaine.

L’auteur a plusieurs rimes dans cet ouvrage qui n’ont presque rien que de puéril et de trivial, il y répète toujours la même chose. Il rejette l’Écriture sainte et ne laisse pas de la rapporter sans cesse pour prouver ses propositions. Il fait consister la parole intérieure dans un repos de l’âme causé par l’entière abnégation de soi-même, abnégation si ridicule qu’il désapprouve toutes les actions les plus saintes et usitées de quelques saints qu’il loue comme des hommes mystiques tels que St Bernard, Ste Thérèse, etc.

Il ne donne aucune marque pour discerner la véritable révélation de la parole de Dieu d’avec les fausses.

Pag. 369. L’auteur prétend que chacun demeure dans sa Religion, savoir dans celle des Luthériens, des Calvinistes ou des Catholiques, lesquelles toutes trois selon lui sont bonnes. Il recommande aux Luthériens de s’attacher au Nouveau Testament purgé et traduit selon sa langue fondamentale, à quoi ils peuvent ajouter la lecture du livre de Jean Arndt intitulé le Vrai Christianisme, lequel ouvrage je ne juge pourtant pas assez pur à cause des maximes de Luther qui y sont répandues.

Ces seuls livres doivent suffire aux Luthériens, qui outre cela n’ont point besoin d’autre maître de J. C., dont ils doivent suivre les inspirations.

Je conseille aux Calvinistes de suivre pareillement le Nouveau Testament et l’excellent livre de M. Sontom.

Pag. 970. Les Catholiques doivent, outre la lecture du Nouveau Testament, aimer les ouvrages de Ste Catherine de Gênes, de Ste Thérèse, de Bourignon et d’Armelle. Il avoue que de tous temps il y a eu dans cette Église des âmes pieuses et précieuses à Dieu et qu’il y en aura toujours.

Pag. 971. Il espère que Dieu suscitera des gens, parmi les Catholiques, qui réuniront ces trois principales Religions en abolissant d’abord toutes les cérémonies extérieures. C’est pourquoi il conseille aux magistrats en parlant de Rome de se bien défier de cette prostituée et de la dépouille de ses vains ornements comme étant le moyen le plus sûr d’accorder les esprits, et que le temps le plus propre est venu.

Pag. 972. Ensuite il fait parler notre Seigneur qui se plaint de l’ingratitude des hommes, où il s’étend fort au long, prouvant l’énormité du péché que les hommes n’ont point honte de commettre en présence de Dieu, tandis que le moindre petit respect humain est capable de les détourner des plus grands maux, ce qu’il montre d’une manière forte et touchante.

La chose sur laquelle il insiste le plus est le recueillement intérieur que tout le monde doit avoir pour suivre les impressions du St Esprit, plutôt que les discours frivoles et inutiles des prédicateurs, dont il fait fort peu de cas dans tout son ouvrage, où il traite les ministres du Seigneur de charlatans qui ne cherchent qu’à débiter leurs marchandises et qui en toutes leurs actions n’ont pour but que leur gloire et leurs propres intérêts, se servant pour parvenir à leurs desseins des moyens tout à fait indignes de leurs caractères, ce qu’il fait voir d’une manière fort satirique. Pag. 373 et 374.

Pag. 378, 379 et 380. Il réfute ceux qui disent qu’on ne peut pas quitter ses occupations pour vaquer à cette contemplation qu’il exige partout des fidèles qui veulent sincèrement travailler à leur salut. Il convient cependant que tout le monde ne paraît pas propre à ces sortes d’exercices intérieurs. Il faut donc, continue-t-il, s’éprouver soi-même et ensuite choisir les livres qui nous portent le plus à l’abnégation de nous-mêmes, à l’union avec Dieu, à la mortification de nos sens, en sorte que nous nous dépouillions entièrement du vieil homme pour nous revêtir du nouveau.

Il raconte les menaces que le Seigneur lui a fait entendre dans une vision qu’il a eue où J. C. lui a paru fort irrité contre tous les hommes, contre lesquels il lancera ses foudres, menaçant de leur envoyer toutes sortes de malédictions dont il fait un grand dénombrement. Après quoi il dit qu’il séparera bientôt le bon grain du mauvais et que la paille et l’ivraie seront jetées au feu. Il invective surtout ceux qui, étant chargés du salut des âmes, s’acquittent si mal de leur devoir.

Dans une autre vision, notre Seigneur invite tous les hommes à lui, promettant de leur faire part de ses douceurs célestes, remplissant leurs cœurs de tout ce qu’ils peuvent désirer, assurant qu’il les fortifiera dans toutes leurs calamités contre le monde, le Démon et la chair, duquel combat ils sortiront victorieux pourvu qu’ils veuillent mettre leur confiance en lui qui tient la victoire en main.

Pag. 383, 385 et 386. Dans une autre vision, notre Seigneur lui fait voir que l’étude des sciences est pour les jeunes gens une source de toute sorte de corruption parce qu’elles détournent les fidèles de la simplicité chrétienne et que par conséquent toutes les universités sont contraires à lui et à sa doctrine. Le Diable ne se sert d’autre moyen pour pervertir et corrompre le monde que de leur inspirer l’amour des sciences, au lieu que la vie de J. C. devrait servir à tous les hommes de livre où sont marquées toutes les vérités nécessaires au salut.

Pag. 387 et 388. Invective continuelle contre les Professeurs auteurs de tous maux et par conséquent plus pernicieux à l’Église que le Démon même.

Pag. 391 et 392. Ayant dépeint les Docteurs et les Professeurs comme les gens les plus impies et les plus débauchés, il demande s’il n’y a pas moyen de les faire rentrer dans le Chemin de la vertu. Après avoir fait entendre que leur Conversion était difficile, il conclut que la chose n’est pas impossible pourvu qu’ils veuillent dompter leurs désirs déréglés par les veilles, les jeûnes, la prière, par les mortifications et austérités du corps. Il dit que leur Baptême d’eau ou d’alliance est inutile et même pernicieux et damnable parce qu’ils n’accomplissent pas leurs promesses en résistant toujours au St Esprit.

À la fin de cette vision, le Seigneur maudit ceux qui ne suivent pas cette maxime, ses conseils et sa doctrine. Enfin il répond à l’objection qu’on lui fait qu’on n’a pas la liberté de faire tout le bien qu’on voudrait, prouvant par des textes de l’Écriture sainte, par des raisons solides, par des preuves claires et évidentes et par l’expérience même qu’il ne tient qu’à l’homme de faire le bien ou le mal, ayant son libre arbitre.

Pag. 395, 396, 397, 398 et 399. J. C. fait en même temps aux hommes les mêmes reproches qu’il avait faits à St Pierre qui voulait le détourner de la Croix et des souffrances, par lesquelles seules on peut connaître un bon serviteur de Dieu. Voulez-vous donc savoir si vous aimez votre Créateur, imitez votre Sauveur dans ses souffrances, soyez patients comme lui, et vous aurez un gage assuré de votre bonheur éternel.

L’Esprit malin porte les hommes à la curiosité, aux plaisirs et à la dissipation du cœur, au lieu que l’Esprit de Dieu nous inspire l’amour de la retraite, du silence et du recueillement intérieur, de la mortification des sens ; en un mot, une âme qui possède le St Esprit, au lieu de s’amuser à lire quantité de livres curieux, se contente de suivre les mouvements du Ciel et d’écouter la voix de celui qui parle au cœur de l’homme dans la solitude, où l’on apprend bien mieux la science des saints que dans les livres des plus savants Docteurs.

Pag. 402, 403 et 404. Le Seigneur me dit dans une autre vision : Rien ne paraît plus abominable à mes yeux que cet excès de joie après les victoires gagnées, lorsqu’au lieu de s’attrister de la perte de tant d’âmes qui vont en foule aux enfers, on fait des réjouissances publiques. Crois-tu donc, misérable créature, que je me réjouis si fort de la damnation de tant de millions d’âmes qui auraient pu occuper une place dans mon Royaume ? Un Père se peut-il bien réjouir lorsque des enfants, quelque mal élevés qu’ils soient, se tuent les uns les autres ? Cette joie n’appartient qu’au Diable et à ses anges. Ne suis-je pas toujours près de recevoir l’Enfant prodigue ? Quelle joie pour mes anges que la conversion d’un seul pécheur ? Quelle désolation pour David que de recevoir la nouvelle de son fils Absalom ? Il continue ainsi à faire voir la tendresse qu’il a pour tous les hommes, maudissant en même temps l’inhumanité de ces durs Chrétiens qui, étant insensibles aux malheurs de leurs frères, sont plus cruels que des tigres. Il les appelle des Diables incarnés.

Pag. 407. Il apprend combien notre amour envers Dieu doit être parfait et de quelle manière nous devons nous comporter à l’égard du prochain, que nous devons aimer comme nous-mêmes. Hélas, le vice règne partout dans le monde, on ne voit que péché, que luxe, que vanité sans qu’aucun songe à se corriger. La divine semence de la parole de Dieu est entièrement étouffée. J. C. ne règne plus dans le cœur des hommes, il n’y a qu’un maudit extérieur et de fausses apparences de piété.

Pag. 410 et 411. Dieu ayant assez manifesté sa volonté par l’Écriture sainte, il faut, dit l’auteur, brûler tous les livres qu’écrivent les Catholiques, Luthériens et Calvinistes, dont on doit cependant conserver la Religion. Qu’appelez-vous hérésie, dit-il, dans un autre endroit, n’est-ce pas la doctrine que l’on trouve dans le verbe intérieur et dans le repos du sabbat, où l’on doit chercher le Royaume, le Paradis, J. C., le Trésor ou la perle en soi et non pas dans les cérémonies extérieures ? Il n’est pas nécessaire de vous répondre là-dessus, vous avez devant vous l’Écriture sainte pour juger si ma Doctrine est divine ou humaine. Mais auparavant il faut quitter la prudence de la chair et vous revêtir entièrement de J. C. En sorte que vous soyez un homme surnaturel, rempli de l’Esprit de Dieu. Alors vous pourrez juger de l’Écriture sainte et de mes écrits.

Pag. 412. Il ne faut pas être surpris qu’on ne garde plus la Loi de Dieu, parce qu’on ne suit pas l’Écriture Ste qui doit être imprimée dans nos cœurs. L’auteur se glorifie de pouvoir annoncer l’Évangile avec St Paul ; ayant J. C. en soi, il ne le reconnaît plus à l’extérieur et selon la chair, et comme les hommes ne le reconnaissent plus qu’à l’extérieur, ayant fait mourir ce Jésus intérieur, il ne faut pas être surpris de leur ignorance, de leur amour propre et de leur dérèglement, et comme il n’y a plus ni vraie foi, ni charité, ni crainte, ni parole de Dieu, Dieu, par un excès de miséricorde, lui a dicté ce livre pour faire rentrer les hommes dans leurs devoirs et engendrer de nouveau en eux son Fils ou le Verbe.

Pag. 414. Il fait un grand récit des bénédictions que Dieu veut répandre sur les hommes qui reviendront de leurs erreurs pour suivre la vérité qu’il leur annonce dans ce livre. Il ajoute de grandes menaces pour les désobéissants. Il fait une belle prière à Dieu. Il dit que l’Esprit de Dieu l’assiste bien mieux la nuit que le jour.

Pag. 415. Il lui semblait une nuit être dans un pays étranger, inconnu, où il se présenta devant ses yeux un jeune homme d’un rang distingué qui, se trouvant longtemps embarrassé dans la boue, ne put jamais s’en retirer. Dieu me fit connaître que ce jeune homme était Roi déchu, toujours enfoncé dans sa doctrine.

Pag. 416. Ayant un jour de jeûne demeuré plus longtemps au lit pour ne pas trouver le jeûne si dur, Dieu lui fit connaître que tout ce qu’on ne faisait pas pour l’amour de lui était péché et que toutes les bonnes œuvres qui ne sont pas faites par ce motif désintéressé sont rejetées et désagréables à Dieu et que cet amour ne peut être produit en nous que pendant le repos du sabbat.

Pag. 419. Dans une autre vision, il lui sembla voir un tableau noir sur lequel était écrit en fort beau caractère d’or les mots suivants : Agissez selon ma volonté et mon bon plaisir, et vous et votre maison serez sauvés. Comme je paraissais d’autant plus surpris de cette promesse que toute ma maison est éloignée de l’Esprit de Dieu et de la vraie foi, le Seigneur me déclara que par ma maison, il entendait mon corps, pour lequel il faut avoir bien moins de soin que pour le Maître de la maison qui est l’âme. Il s’étend ici sur la confiance qu’il faut avoir à la providence de Dieu, cherchant avant tout son Royaume que nous devons avoir toujours dans nous, sans quoi toutes les Confessions, Communions, Indulgences et autres pareilles marchandises de Prêtres sont inutiles.

Pag. 420. Voulez-vous que la semence de la parole de Dieu fasse naître en vous J. C. ? Voulez-vous qu’il croisse, qu’il se communique davantage à vous ? Mettez-vous dans la retraite, écoutez-le dans la solitude ; avoir en nous ce Roi de la foi, c’est avoir le Royaume de Dieu, la parole de Dieu, la vraie foi sanctifiante, la grâce, la régénération, l’onction qui seule vous enseigne bien la justice, la béatitude, le paradis, ce Trésor caché dans l’âme, cette perle ; c’est là être une nouvelle créature, c’est là le mystère que Dieu ne révèle qu’à ceux qui l’aiment, et tous ceux qui ne le savent périssent éternellement ; on demeure après sa mort comme on est tombé, rien d’extérieur ne peut vous sauver ; on se dispose à la béatitude seulement par les choses extérieures, desquelles si vous vous servez indignement vous êtes damnés. C’est pourquoi il faut travailler à son salut avec crainte et tremblement, il faut entrer dans l’amour de Dieu et de J. C. avant que de mourir.

Pag. 422. Comme J. C. est né d’une vierge pure et chaste, ainsi notre âme doit être nette et exempte de péché actuel, duquel J. C. doit nous racheter comme il nous a rachetés du péché originel. La justice doit être accomplie en nous et non hors de nous. J. C. doit garder le Commandement en nous et par nous. M’étant abandonné à Dieu, il ne faut pas que j’agisse, mais il faut demeurer paisible devant Dieu, le laissant seul travailler à son ouvrage, ce qui ne m’empêche pas dans d’autres temps de vaquer à mes affaires qu’il ne faut pas entièrement abandonner.

Pag. 423 et 424. Une âme qui est parvenue à ce haut degré de perfection jusqu’à ne perdre presque jamais Dieu de vue, s’élevant vers lui comme vers son premier principe, commence à goûter Dieu de telle manière qu’elle voudrait quelquefois l’embrasser, tant elle se sent d’ardeur de l’aimer, de s’unir intimement à lui et de ne vivre que par lui, regardant tout le reste comme de la boue.

Pag. 425 et 426. De cet amour de Dieu vient l’amour du prochain, sans lequel le premier ne saurait être parfait. L’homme n’ayant point cette charité et étant encore charnel ferait mieux de ne pas dire le Pater, n’étant pas encore au rang des vrais fidèles. Car il ne suffit pas de croire, comme font les Catholiques, les Luthériens et les Calvinistes, que N. S. s’est fait homme pour nous, qu’il est mort, ressuscité, etc. Le Diable est Catholique, Luthérien, Calviniste aussi bien qu’eux sans avoir pourtant la foi qui doit nous porter à exercer les œuvres de miséricorde comme J. C. nous l’ordonne et de la manière dont il l’ordonne, c’est à dire purement pour lui, sans aucun retour sur nous-mêmes.

Votre foi doit vaincre le monde, c’est à dire qu’il faut renoncer à toutes ses pompes, à la mollesse, aux querelles, dissensions, guerres et à l’amour de la créature. Votre foi doit vous faire mener une conduite sainte et irréprochable. L’observation des commandements ne doit plus vous être difficile, mais douce et aisée.

Aucun accident humain ne doit plus vous affliger, Dieu vous tenant lieu de tout.

Rien ne vous doit être impossible par le moyen de votre foi, vous devez pouvoir parler à Dieu et recevoir de lui de nouveaux commandements. Le Paradis doit toujours vous être ouvert.

Non seulement vous devez aimer Dieu de toute votre âme, etc., et le prochain comme vous-mêmes, mais vous devez même donner la vie pour vos ennemis quand il s’agira de leur bonheur éternel. Voilà quelque marque de la vraie foi qui n’est autre chose que Jésus Christ, que Dieu même.

Pag. 430. Jésus Christ invite par un long discours tout le monde à chercher Dieu en toutes choses, à se reposer en lui, à être continuellement attentif à ses divines inspirations, qui nous doivent servir de règle dans toutes nos actions, en sorte que tous nos jours soient pour nous des jours de repos commençant déjà dans cette vie notre bonheur éternel dont nous goûtons par avance les plaisirs.

Pag. 431. Il fait voir comme on doit sanctifier le septe jour marqué par le 4e et non par le 3e commandement, le samedi et non le dimanche, que le Diable a institué, prenant le premier jour de la semaine au lieu du dernier, afin que la plus grande partie des occupations et des affaires tombassent sur le Samedi et, parce qu’il n’y a plus de vrais jours de repos, depuis plusieurs siècles on n’a plus entendu de paroles vivantes, faute de quoi on se contente selon son expression de la lettre morte, laquelle ayant été changée par le Diable, il ne faut pas s’étonner que le monde soit tombé dans des erreurs si grossières et que le culte intérieur de Dieu ait été aboli par les cérémonies extérieures, le jour du sabbat n’étant plus sanctifié.

Il marque trois sortes d’oraisons : l’oraison vocale, l’oraison intérieure ou mentale, et l’oraison surnaturelle ou contemplation. De l’oraison vocale, dit-il, je parviens à l’oraison intérieure ou mentale qui se fait en esprit et en vérité.

Celle-ci me conduit à l’oraison surnaturelle ou à la Contemplation, dans le silence divin, dans le repos du sabbat, où l’homme sans rien désirer s’abandonne entièrement à la volonté de Dieu, et voilà le culte le plus parfait que l’homme puisse rendre à Dieu dans cette vie.

Pag. 433. Comme l’auteur prétend qu’il n’y a point de culte plus agréable à Dieu que le repos intérieur, il avertit ceux qui ont quelque autorité de ne point rebuter les personnes qui se donnent toutes entières au repos du sabbat, parce que c’est par ces gens-là que Dieu veut commencer son règne spirituel sur la terre et abattre la puissance de Satan.

Pag. 434. L’auteur plaint ici le sort de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne, de l’Italie, surtout de la ville de Rome, à qui il prédit de grands maux si elle ne rentre au plus tôt dans ce repos intérieur. Il dit ensuite que le 10e de Décembre 1709 la sagesse incréée lui fit connaître clairement que l’Antéchrist régnait dans ces Religions qui obligent les hommes à un culte extérieur et que c’est le Démon qui a introduit les Cérémonies qui se pratiquent dans l’Église.

Pag. 435. Il dit ici que la Religion luthérienne et la Calviniste ne valent pas mieux que la Catholique parce qu’elles ne tiennent pas plus de la parole intérieure que la Catholique.

Pag. 441. Il prétend montrer ici combien la doctrine et les maximes de ces Religions sont opposées à celles de Jésus-Christ. Il commence par la Cène de Notre Seigneur. Il dit entre autres choses que J. C. par son institution a voulu que la Cène se fît le soir, mais que l’Antéchrist veut que dans les Religions elle se fasse le matin.

2o Que le Seigneur l’a instituée sans éclat dans une maison particulière, mais que l’Antéchrist l’a fait faire publiquement dans des églises magnifiques.

3o Que J. C. a commandé que chacun se servît lui-même, ce que l’Antéchrist ne permet pas, car il met lui-même à chacun le morceau dans la bouche. Il dit ensuite que le Seigneur n’a donné son corps à manger qu’à ses chers Disciples et à ceux qui faisaient profession de l’imiter, mais que l’Antéchrist le donne sans discernement à toutes sortes de personnes. Il dit encore que J. C. a laissé à chacun la liberté d’approcher de la sainte Table et qu’il n’a voulu contraindre personne, au lieu que l’Antéchrist ordonne à tous de s’en approcher et chasse ceux qui ne le font pas. Enfin l’auteur conclut que pour avoir véritablement part à la Cène du Seigneur, il faut être dans le repos intérieur et dans un anéantissement de soi-même.

Pag. 451. L’auteur soutient que ce qu’il vient de dire de la Cène de N. S., il ne l’a dit que par une inspiration divine, que si cependant il a manqué à quelque chose on n’en doit imputer la faute qu’aux Démons qui lui ont brouillé l’imagination. Il raconte que dans le temps qu’il avait commencé à écrire tout ce qui regarde la Cène, le Diable s’était présenté à lui sous la figure d’un lion cruel qui, ouvrant sa grande gueule, lui attrapa la main droite. Le bon homme appréhenda que le lion ne lui mangeât la main et que par conséquent il ne pût plus écrire ce que Dieu venait de lui révéler, mais enfin le Seigneur qui s’était caché vint à son secours. Il ajoute qu’il ne veut point faire l’honneur à ce Chien infernal de raconter les autres choses qu’il lui a faites pour le troubler.

Pag. 454. Il prétend ici faire voir quelques abus de l’Église. Qu’on examine, dit-il, la manière d’enseigner et de prêcher. Elle est bien différente de celle des premiers chrétiens. Quelqu’un avait-il de ces pièces travaillées et apprises par cœur, comme il arrive à présent ? Le Saint Esprit ne leur inspirait-il pas sur le champ ce qu’ils enseignaient et prêchaient ? Du temps des apôtres, choisissait-on pour prêcher et enseigner de jeunes gens qu’on envoie dans les Universités pour apprendre le métier ?

L’auteur n’épargne point ici les Ecclésiastiques, mais les calomnies sont si grossières qu’elles se réfutent d’elles-mêmes. Enfin il se plaint de ce qu’on a bâti contre la volonté de Dieu tant de Temples somptueux au lieu d’employer cet argent à des œuvres de Charité et de miséricorde envers le prochain pour en faire un Temple du vrai Dieu.

Il déclame aussi contre les soutanes des Prêtres, contre les Chasubles et les autres ornements sacerdotaux, qu’il dit être l’invention de l’Antéchrist.

Pag. 465 et 466. Il dit dans une autre vision que la plupart ne sont pas toujours si sensuels, si ennemis de la Croix, si attachés à leurs aises et à leurs propres sentiments que parce qu’ils ne veulent pas écouter intérieurement la parole de Dieu ni la voix de J. C.  qui les exhorte sans cesse à l’abnégation de soi-même, tandis qu’il sont inutilement occupés à puiser des sources étrangères les sentiments de piété et de dévotion qu’ils devraient uniquement attendre du St Esprit ; mais aujourd’hui on ne se laisse prendre que par de vaines illusions, par des cérémonies extérieures qu’il faudrait regarder comme des abominations, comme des choses exécrables et injurieuses à la Majesté divine, et capables plutôt de nous éloigner que de nous en approcher, ne pouvant provenir que de l’Antéchrist qui cherche à tromper les hommes.

Pag. 470, 471 et 472. Je ne veux point, dit le Seigneur, de ces Temples de pierre qui j’ai si souvent fait renverser pour témoigner combien j’en avais d’horreur. La demeure la plus agréable pour moi est le cœur de l’homme. C’est l’esprit qui vivifie et mon culte est intérieur. Je ne me soucie pas de ce faste que le Diable et l’ambition des Prêtres ont introduit dans le monde, déjà longtemps gouverné et tyrannisé par l’Antéchrist. Vous adorerez Dieu en Esprit et vérité ; allez, dit-il à ses apôtres, prêcher sur les rues, sur les toits, dans les maisons, sur les marchés, dans les synagogues. Remarquez bien qu’il n’ajouta point : Faites bâtir des temples et des autels, parce qu’il est écrit : Ils ont dressé des autels, qui n’ont servi qu’à les faire tomber dans le péché. Mais l’Antéchrist, afin d’éloigner de Dieu tous les hommes, a fait bâtir des temples pour être servi. Le Seigneur ne dit pas : Purifiez vos temples, mais purifiez vos cœurs, ayez le cœur contrit et gardez mes commandements. Mais aujourd’hui comment célèbre-t-on les fêtes, qu’on peut bien appeler une institution diabolique, par le son des timbales, des trompettes, des instruments de musique, toutes choses capables de pousser plutôt à la licence qu’à la dévotion, puisqu’en sortant des églises on ne fait que boire, manger, danser et se divertir au lieu qu’il faudrait célébrer le sabbat en repos.

Pag. 473, 474, 475, 476 et 477. Quelqu’un demandera peut-être pourquoi donc Dieu a-t-il fait des miracles pour rendre célèbres ces mêmes Temples. Dieu condescend quelquefois, dit-il, aux volontés des hommes, tant pour leur laisser leur libre arbitre que pour les empêcher de faire des fautes plus considérables en contrevenant directement à ses ordres. La douce disposition de sa providence demande qu’il entre quelquefois dans les desseins des hommes, comme il avait consenti autrefois que le peuple d’Israël se choisît un Roi, quoiqu’il eut prévu qu’il naîtrait de cette élection une infinité de malheurs ; de même aussi les premiers Chrétiens, qui peu de temps après les apôtres s’étaient laissé ralentir leur ferveur, s’étaient laissé d’abord séduire par l’Antéchrist pour quitter le culte intérieur auquel des hommes inspirés de Dieu les avaient portés, comme si par le Baptême, par les Prédications, les sermons et autres pareilles Cérémonies on pouvait plus facilement élever son Esprit à Dieu. Ici l’auteur veut prouver que Dieu l’a envoyé d’une manière extraordinaire pour détromper les hommes de leurs erreurs.

Pag. 478 et 479. Quel moyen donc, dira une âme pieuse, de remédier à de si grands désordres ? Voulez-vous le savoir ? Je vous le déclare de la part de Dieu. Gardez le sabbat et non pas le Dimanche, que l’Antéchrist a institué. Abstenez-vous donc ce jour, c’est à dire le Samedi, de toute œuvre servile. Mortifiez-vous en tout ce que vous pourrez, mettez-vous souvent en la présence de Dieu, écoutez ce qu’il vous dira. Interrompez de temps en temps votre méditation par des prières vocales, par des oraisons jaculatoires. Tenez-vous tout le reste du temps en silence. Renoncez au Diable, examinez votre vie pour voir si elle est conforme à celle de Jésus crucifié. Enfin, entretenez-vous tout doucement avec le Seigneur, demandez-lui son saint Esprit, son amour, sa sagesse, mettez-vous entièrement entre ses mains, mortifiez vos sens, gardez bien la tempérance, accoutumez-vous à ne boire que de l’eau, car un seul pot d’eau est plus rempli de l’Esprit de Dieu que cent seaux de bière, qui ne fait qu’exciter la concupiscence, quoique cependant il ne faille pas gâter son estomac par un excès d’eau.

Pag. 480. Ne vous rebutez pas des tentations et suggestions du malin Esprit, gardez seulement le sabbat que Notre Seigneur a commandé par son quatrième commandement, mais que l’Antéchrist a mis dans le troisième, après avoir effacé le plus grand des Commandements. D’où est venu qu’on place présentement dans les Temples toutes sortes de statues et d’images et qu’il n’y ait aucun particulier qui ne préfère l’image de quelque saint à Dieu même. Il vaudrait beaucoup mieux se tenir à la tranquillité intérieure et au saint repos du sabbat où Dieu se communique si familièrement, comme lui-même en a fait souvent l’expérience.

Pag. 508. Le Diable, dit-il, ne pouvait mieux séduire les hommes que par le culte extérieur qu’ils rendent à Dieu. Il rapporte ensuite quelques histoires qui tiennent à la fable. Il assure que certaines personnes de Nuremberg qu’il nomme sont réservées à de terribles châtiments dans l’autre monde parce qu’elles se donnent trop au culte extérieur. C’est, ajoute-t-il, ce que le verbe qui est en moi m’a dit très souvent.

Pag. 520. Il assure que c’est une erreur diabolique de croire qu’en péchant ou par faiblesse ou par ignorance l’on puisse conserver la grâce sanctifiante et qu’en mourant en péché véniel l’on puisse être sauvé.

Ensuite, il continue à raconter ses visions. Dans l’une desquelles le Verbe qui lui est toujours intimement uni maudit plusieurs fois ceux qui ne regarderont pas son livre comme divin. Il bénit au contraire ceux qui se conformeront à sa doctrine.

Dans la vision du 13 de Janvier 1710, le Verbe lui fit connaître que Martin Luther aurait mieux fait de garder pour lui seul sa doctrine que Dieu lui avait donné d’abord que de faire une secte où moins de personnes se sauvent que s’ils avaient demeuré dans le Papisme. Il rapporte ensuite tous les crimes auxquels les hommes sont sujets qu’il dit être ordinaires aux Luthériens.

Le Seigneur, dit-il ensuite, m’a dit que c’était lui qui nous envoyait toutes ces imaginations effroyables que nous avons souvent en dormant, pour nous faire souvenir que les fantômes de l’Enfer nous épouvanteront bien davantage dans l’autre monde.

Il dit que la prière vocale n’est d’aucune utilité, que tout ce qui est extérieur, le culte des images, le respect des lieux et des choses sacrées ne sont que des abominations. Il n’y a pas de plus grande folie selon lui que d’exhorter un moribond à paraître devant Dieu, comme si le Verbe ne pouvait pas le faire. Il se plaint ensuite qu’il n’y a qu’un très petit nombre de véritables Piétistes qui sont les Élus de Dieu. Pour être bon Piétiste, il faut, dit-il, sur toutes choses être ignorant, car la science ne peut subsister avec la piété. Combien pensez-vous qu’a coûté à Dieu la conversion de Tauler parce qu’il était savant ? Dieu et le Diable n’ont jamais eu plus d’occupation qu’à la conversion de cet homme. Une autre qualité absolument nécessaire pour être bon Piétiste est de ne mettre jamais ni poivre ni sel et ni safran dans sa soupe, ces sortes d’épices faisant oublier les révélations du Verbe.

Les Juifs lisaient l’Écriture sainte parce que le Messie n’était pas encore venu, mais les Chrétiens, qui croient qu’il est déjà arrivé, ne doivent jamais la lire que pour instruire les païens, cette lecture leur étant absolument inutile.

Dans un autre endroit, il dit que le Baptême d’eau est inutile aussi bien que la Cène, qu’on ne devait faire que jusqu’à la venue de J. C.

Il se répand ensuite en invectives contre les savants qui n’ont point la science intérieure et c’est en ces sortes d’invectives que consiste une bonne partie du dernier livre de ses ouvrages. Il n’épargne point les gens de guerre. Il leur adresse trois ou quatre pages remplies d’injures atroces.

Il fait un grand dénombrement des soins, des peines, et des fatigues que les hommes se donnent pour acquérir du bien au lieu qu’ils n’ont que de l’indifférence pour les faveurs du Verbe, qui ne demande qu’à se communiquer familièrement à eux. Il pousse fort loin cette morale en prenant l’un après l’autre tous les différents états où l’on se trouve dans la vie.

C’est une de ses maximes que tout artisan, s’il veut se sauver, doit quitter sa profession, quelque utile qu’elle puisse être, pour vaquer à l’oraison mentale et pour ne s’appliquer toute sa vie qu’à écouter le verbe intérieur, que c’est un abus de prétendre que Dieu nous appelle à quelque profession particulière. Dieu, dit-il, appelle tous les hommes à une seule vie, qui n’est autre que de considérer sa grandeur et d’écouter sa parole. Il donne mille malédictions à tous les ouvriers et surtout aux tailleurs, aux cordonniers, aux perruquiers. Dieu les a tous, dit-il, en aversion parce qu’ils inventent tous les jours des modes nouvelles.

L’on ne peut point, dit-il, être sauvé, à moins que pendant la vie l’on n’ait senti distinctement en soi les trois personnes de la Ste Trinité. Il parcourt en cet endroit tous les sens du corps et assure que ces divines personnes doivent être vues, touchées, entendues, etc., non par imagination mais réellement et sensiblement.

Sur la fin il dit que le Diable lui a souvent montré que les hommes n’ajouteraient aucune foi à ses écrits, mais que le Verbe l’avait assuré du contraire.

Il maudit encore plusieurs fois celui qui ne préférera pas ce livre à tout autre, il veut qu’on le lise tout de suite.

Il finit en ces termes. Cet ouvrage a été achevé à Nuremberg, dicté par la Sagesse Éternelle et écrit pas moi Jean Tennhardt, Chancelier du Grand Dieu du Ciel et de la Terre, Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs, à qui soient Honneur et Gloire. Amen.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net