La prière de Zoroastre

 

 

C’était par une nuit toute pleine d’étoiles.

Sur la lointaine mer se profilaient les voiles

Des navires chargés d’or et de diamants ;

De frais parfums montaient du calice des roses

Et le calme sommeil planait sur toutes choses

Sous le dôme éloigné des pâles firmaments.

 

Seul, au faîte du temple, entre les hautes pointes,

Zoroastre, rêveur, se tenait, les mains jointes,

Et contemplait Dieu même en contemplant le ciel,

Son âme s’élevait vers la source des mondes

Et sa vaste pensée aux visions fécondes

L’emportait en un rêve ardent loin du réel.

 

À l’horizon plus clair subitement montée,

La lune s’est levée et sa lampe enchantée

Emplit l’immensité de rayons éclatants,

Si brillants qu’au lointain les astres pâlirent

Et que, dans les fourrés, les rossignols se prirent

À chanter à la fois leur hymne de printemps !

 

La lueur argentée inondait toutes choses :

La mer aux sombres flots, les frais bouquets de roses

Et le sommet neigeux des lointaines hauteurs.

Alors ses yeux rêveurs se fixèrent sur l’astre

Et le cœur débordant de bonheur, Zoroastre

Sentit que ses regards se transformaient en pleurs.

 

« Père ! s’écria-t-il, toi qui fais la lumière,

Toi, l’amour sans second, toi, l’aurore première,

Toi qui verses ta foi comme le soleil luit ;

Père, tous les pensers qui tourmentaient ma tête,

Mes rêves de voyant, mes songes de prophète,

Viennent de s’éclairer en cette belle nuit !

 

« Ô vanité ! j’ai cru pouvoir sonder ton Être !

J’ai cru pouvoir trouver ce qu’est mourir et naître !

J’ai cru toucher du doigt la vie... ô vanité !

Et maintenant je sais ce que tu veux, ô Père :

Au lieu de tant de mots une seule prière.

Au lieu de tant d’orgueil un peu de vérité.

 

« Amour au Créateur ! amour aux créatures !

Oh ! tu ne maudis pas, ni les âmes impures,

Ni les esprits mauvais qui craignent le plein jour ;

Et nous, pour imiter ta bonté paternelle,

Laissons les anges blancs nous couvrir de leur aile,

Quant aux anges obscurs, enseignons-leur l’amour !

 

« Et toi, Dieu tout aimant, rayonne dans l’espace,

Rayonne dans le temps ! Accorde-nous la grâce

De voir tomber les murs par le Mauvais bâtis :

Que l’univers entier te chante un chant suprême,

Chant d’amour et de paix, et qu’Ahrimane même

Te vénère au milieu des démons convertis ! »

 

 

 

Émile BIRMAN DE RELLES, La halte divine.

 

Repris dans la Revue du spiritualisme moderne en 1906.

 

 

 

 

 

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