Magnificat

 

 

Soyez béni, mon Dieu, qui m’avez délivré des Idoles

Et qui faites que je n’adore que vous seul et non point Isis et Osiris.

Ou la Justice, ou le Progrès, ou la Vérité, ou la Divinité, ou l’Humanité, ou les Lois de la Nature, ou l’Art, ou la Beauté,

Et qui n’avez pas permis d’exister à toutes ces choses qui ne sont pas, ou le vide laissé par votre absence.

Comme le sauvage qui se bâtit une pirogue et qui de cette planche en trop fabrique Apollon,

Ainsi tous les parleurs de paroles du surplus de leurs adjectifs se sont faits des monstres sans substance.

Plus creux que Moloch, mangeur de petits enfants, plus cruels et plus hideux que Moloch,

Ils ont un son mais point de voix, un nom et il n’y a point de personne.

Et l’esprit immonde est là qui remplit les lieux déserts et toutes les choses vacantes.

Seigneur, vous m’avez délivré des livres et des Idées, des Idoles et de leurs prêtres,

Et vous n’avez point permis qu’Israël serve sous le joug des Efféminés.

Je sais que vous n’êtes point le Dieu des morts, mais des vivants.

Je n’honorerai point les fantômes et les poupées, ni Diane, ni le Devoir, ni la Liberté, et le bœuf Apis.

Et vos « génies » et vos « héros », vos grands hommes et vos surhommes, la même horreur de tous ces défigurés.

Car je ne suis pas libre entre les morts,

Et j’existe parmi les choses qui sont et je les contrains à m’avoir indispensable.

 

 

 

Paul CLAUDEL, Cinq Grandes Odes, 1957.

 

Recueilli dans Cinq mille ans de prière,

textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,

Desclée De Brouwer, 1989.

 

 

 

 

 

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