Conseils anciens

 

 

Quand j’étais un bambin pas plus haut que la huche,

Grand-père bien souvent me faisait des discours.

Tout en fumant sa pipe au bon feu d’une bûche

Qui dans l’âtre flambait, réchauffant ses doigts gourds.

 

Il me parlait alors des dangers de la vie

Et du malheur qui guette une âme de vingt ans ;

Mais au lieu d’écouter j’avais la folle envie

De lui rire à la face et lui montrer mes dents...

 

– « Garde, me disait-il, ton cœur pur de tout vice,

Porte le front bien haut, soutiens l’abandonné,

Et si dans le chemin par malheur ton pied glisse,

Humblement va par Dieu te faire pardonner. » –

 

 

                                 *  *  *

 

 

Toutefois j’enfermais dans ma cervelle dure

Tous ces sages avis dictés pour mon bonheur,

Où Grand-père parlait de la Flamme qui dure,

Des devoirs de l’Amour et surtout de l’Honneur.

 

Maintenant je connais la vie et la souffrance ;

Pour avoir trop aimé j’ai pu faire un faux pas,

Mais la faute commise au moins j’eus la vaillance

De demander à Dieu qu’Il ne me brise pas.

 

Aussi je veux rester fidèle au conseil sage

Du vieillard qui voulait faire un homme de moi,

Et quand viendra le jour où l’âme se dégage,

Certain du Grand Pardon, je serai sans émoi...

 

 

 

Francis DESROCHES, Brumes du soir, 1920.

 

 

 

 

 

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