Regrettez-vous ?...

 

 

À la Mère de Maman.

 

 

Ô Grand’mère dont la vieillesse

A fait les pas un peu tremblants,

Regrettez-vous votre jeunesse

Sous la neige des cheveux blancs ?...

Regrettez-vous les collerettes,

Les fleurs du corsage bouffant,

Les bonnets, les fines brochettes

Et vos chastes rêves d’enfant ?...

 

Regrettez-vous les broderies

De vos robes à falbala,

Les bijoux et les sucreries,

Et les chansons en tralala ?...

Regrettez-vous le gai quadrille

Aux bras des garçons vigoureux,

Et vos amours de jeune fille,

Les serments de votre amoureux ?...

 

Oh ! que de souvenirs, Grand-mère,

Doivent monter en votre cœur

Quand l’aile d’or de la Chimère

Tient frôler votre front songeur !

Que de propos et d’aveux tendres

Viennent vous jaser chaque soir,

Lorsque vous remuez les cendres

D’un Passé qui se fait plus noir !...

 

Combien de couchants et d’aurores

En vous renaissent tour-à-tour !

Combien de noms doux et sonores

Vous bercent dans la fin du jour !...

Hélas ! plus d’une tête aimée

Ne répond plus à votre voix,

Et votre âme est toute semée,

Grand-mère, de petites croix !...

 

Mais comme un chêne se redresse,

Robuste, sous le vent du Nord,

Ainsi votre chère tendresse

A su lutter contre la Mort ;

Et sur votre cœur débonnaire,

Avec des gestes triomphants,

Vous serrez, vous serrez, Grand’mère,

Vos arrière-petits-enfants !...

 

 

 

Francis DESROCHES, Brumes du soir, 1920.

 

 

 

 

 

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