La pâque du pauvre

 

 

C’était Pâques : la foule accourait à la messe ;

Aux prêtres entonnant l’immortel Gloria

Les chantres répondaient par ce cri d’allégresse :

                  In excelsis ! Alleluia !

 

Dans les airs se mêlaient de chaque sonnerie,

En sons clairs et vibrants, les joyeux carillons ;

Le soleil égrenait sur la Pâque fleurie

                  Ses sourires et ses rayons.

 

La joie était au ciel et la paix sur la terre ;

On sentait du réveil l’intime émotion ;

Dans les temples chrétiens resonnait la prière

                  Du jour de Résurrection !

 

Un pauvre malingreux, vieillard à barbe grise,

Humblement dans un coin se tenait à genoux,

Et sur chaque fidèle arrivant à l’église

                  Jetait un regard triste et doux.

 

Mais la foule avançait sans jamais prendre garde

Au pauvre, qui semblait faire tache en ces lieux,

Et le suisse, en passant, avec sa hallebarde

                  Mit à la porte ce bon vieux.

 

Le mendiant chassé de la sainte demeure,

S’aidant de son bâton, sur le champ se leva,

Mais tout bas il disait : « Faut-il donc que je meure

                  Près de ta porte, ô Jehova ! »

 

Et triste il s’en allait, l’œil morne, tête nue,

Seul avec son affront, seul avec son malheur !

De tous ceux qui passaient près de lui dans la rue,

                  Aucun ne voyait sa douleur.

 

Il marcha bien longtemps, murmurant sa prière.

Et quand le soir tomba, sur le bord du chemin

Le pauvre, pour dormir, s’approchant d’une pierre,

                  Vit le caillou devenir pain !

 

Une voix qui, sans doute, était celle d’un ange

Dit au vieillard : « Avant de dormir en ce lieu,

Ô pauvre cœur croyant, prends cette pierre, et mange ;

                  C’est là l’aumône de ton Dieu ! »

 

 

 

Amélie GEX.

 

Recueilli dans Le Parnasse contemporain savoyard,

publié par Charles Buet, 1889.

 

 

 

 

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