Dieu
« Et toi qui rentreras sous l’herbe
Quand le temps aura fait un pas,
Qui te dit, automne superbe,
Que mon soleil ne pense pas ? »
Les rossignols et les fauvettes,
Les feuilles vertes dans les bois,
Les brises,... autant de poètes
Dont j’écoute la grande voix !
Et Dieu, qui d’un regard embrasse
Depuis les mers jusqu’aux cirons,
Les mondes perdus dans l’espace,
Le petit coin où nous pleurons ;
Dieu, dont la majesté divine
Plane au-dessus de l’univers,
Dieu me sourit, et je m’incline,
Et je le chante dans mes vers.
Il se révèle en toutes choses :
Dans le chant des petits oiseaux,
Dans le parfum exquis des roses,
Dans le murmure des ruisseaux.
Je le revois sur la colline,
Quand le printemps, – tisseur divin, –
D’un manteau de fleurs d’aubépine
Revêt le buisson du chemin.
Je le retrouve dans la plaine,
À la saison où les moissons
Ondulent sous la tiède haleine
Des brises aux douces chansons.
Et quand la nuit sème d’étoiles
L’immensité sombre des cieux,
Que toutes soulèvent leurs voiles
Pour se mirer dans les flots bleus,
Ou que le soleil illumine
Le front empourpré du matin,
Un hymne éclate de mon sein,
Je vois Dieu partout et m’incline...
– Mon Dieu ! vous qui donnez la pâture aux oiseaux,
Aux forêts le feuillage, aux prés les frais ruisseaux ;
Vous qui tenez le pauvre en votre sainte garde,
Et dites au soleil d’éclairer sa mansarde ;
Qui regardez d’un œil toujours compatissant
L’homme, la grande mer, l’insecte bruissant ;
Vous sans qui le printemps serait sans fleurs ; l’automne
Sans fruits ; qui, pour peser les fers ou la couronne
N’avez qu’une balance ; ô Principe éternel !
Maître et modérateur de la terre et du ciel !
Vous qui nous annoncez vos terribles colères
En faisant éclater la foudre et les tonnerres ;
Vous qui nous inspirez et l’amour et l’effroi,
Dieu juste et tout puissant, ayez pitié de moi !
Louis HUGONEL.
Recueilli dans Poésies de l’Académie
des muses santones, 11e volume, 1888.