À complies

 

 

Bonsoir, Père ! J’ai mis mes deux mains dans ta main.

Le sommeil – ou la mort – traverse la nuit brève,

Souffle un peu sur la bulle errante de mon rêve

Pour qu’elle apporte en moi mes roses de demain.

 

Bonsoir, Père ! Tes doigts ont scellé mes paupières.

Le sommeil – ou la mort – s’en vient à pas légers

Et vers minuit m’appelleront douze dangers.

Mais je m’endors sans crainte en chantant mes prières.

 

Car je te sais, ô Père, assis à mon chevet,

Et si quelque vertige affole et perd mon âme,

Tu la retourneras vers Toi comme une femme

Retourne dans le lit son petit qui rêvait.

 

Je ne suis pas un saint, mon Dieu, pour que tu veuilles

Me bercer dans tes bras et chasser mes frissons.

Je ne suis qu’un enfant, je n’ai que mes chansons

Et je ne vaux pas mieux qu’un oiseau sous les feuilles.

 

Et je ne sais pourquoi tu m’aimes... Les chemins

Me mènent tous à Toi sans lutte, sans secousse,

Le sommeil - ou la mort - glisse dans la nuit douce...

Bonsoir, Père, reçois mon âme entre tes mains.

 

 

 

Marie NOËL, Les Chansons et les Heures, 1930.

 

Recueilli dans Cinq mille ans de prière,

textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,

Desclée De Brouwer, 1989.

 

 

 

 

 

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